Comment savoir, si personne ne nous dit ?!

Pourquoi ne nous dit-on pas ce qui nous attend après la naissance ?


Après la naissance d’un premier enfant on se pose un milliard de questions, mais surtout une : pourquoi ne m’a-t-on pas dit…?

Eh oui, à la naissance, mais surtout au retour à la maison avec son nouveau né, on se rend compte de la supercherie et toutes les belles projections s’effondrent les unes après les autres.

 

 

J’exagère à peine.

Durant notre grossesse on a une préparation qui nous est dispensée par des professionnels, seulement cela ne nous prépare « qu’à » l’accouchement. Je mets entre guillemets parce que ce n’est pas rien non plus, c’est très utile et souvent nécessaire vu qu’on connait mal notre corps. Mais l’accouchement n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’une étape entre la grossesse et la suite, qui est de prendre soin d’un petit être et de l’élever.

Si on veut être complet et pleinement utile, il faut dispenser aussi des cours de périnatalité : comment on change un bébé, comment on lui donne le biberon ou comment on l’allaite, le bain, les pleurs, le sommeil, les dents, les coliques, le portage, le développement de son cerveau et ses stades d’évolution (vers quel âge fait-il telle ou telle acquisition…). Et la liste est non exhaustive.

 

 

Je dis ça, mais au fond si on me l’avait proposé, si on m’avait dit et expliqué tout ce qui m’attendait après, aurais-je été réceptive ? Aurais-je cru ce qu’on me disait ? Aurais-je vraiment retenu ce qu’on m’expliquait ?

Tant que tu ne le vis pas, tu ne peux pas te projeter, tu ne peux pas te douter de l’ampleur de la tâche, de la responsabilité qui t’incombe et surtout de toute la palette d’émotions par laquelle tu vas passer, chaque jour, plusieurs fois par jour.

Ce n’est pas pour autant que ces informations ne sont pas nécessaires et qu’il faut se taire et éluder les questions des futurs parents.

Il faut avertir, il faut faire de la prévention, mais il faut aussi tenir compte du fait que tout le monde ne va pas retenir l’information, ou qu’on n’a pas forcément envie de tout savoir avant. C’est pourquoi le plus efficace et pertinent serait d’accompagner les parents une fois le bébé né.

 

 

Je l’ai mentionné dans d’autres articles, moi je ne voulais pas trop me renseigner à propos de la grossesse et de l’accouchement quand j’étais enceinte. Je me disais que les femmes mettent au monde des enfants depuis la nuit des temps sans livre, je ne voyais pas pourquoi moi j’aurais besoin de plus. Je n’ai donc lu qu’un seul et unique livre durant ces 9 mois, et pour le sujet de la grossesse et de l’accouchement, cela m’a amplement suffit. Par contre mon erreur a été de ne pas me renseigner sur la suite.

 

Là pour le coup il est essentiel de s’informer par le moyen qu’on veut. Aujourd’hui tout est à notre portée grâce à internet, aux réseaux sociaux, aux médias de façon générale. Chacune peut y trouver son compte en matière de médium d’information (podcast, livre, articles, blog, you tube, télé…), encore faut-il savoir ce que l’on cherche 🤔.

Et c’est là où le bas blesse, parce que tant qu’on n’est pas dedans, on ne sait pas quoi chercher, quel mot clé taper dans la barre de recherche. C’est pour cela qu’une petite préparation supplémentaire avec des professionnels serait la bienvenue. Qu’ils nous donnent les grandes lignes sur les suites de couche, des sites ou des livres sérieux, et ensuite à nous de creuser, ou pas d’ailleurs. On peut ne pas vouloir s’informer tout court, pas de problème, mais qu’on nous permette d’avoir le choix. Pour le moment on n’a pas droit à ce choix, on a juste du vide, du silence.

 

Pour les moins naïves d’entre nous, celles qui ont compris qu’après l’accouchement il y avait une suite, ou un début plutôt 😉, elles vont poser des questions, elles vont trouver des infos comme elles peuvent. Mais ne serait-ce pas mieux d’avoir une source fiable et officielle dès le début ? Une sage-femme n’est-elle pas la mieux placée pour cela puisqu’on a tissé un lien de confiance avec elle, cela nous donnerait une base rassurante.

 

Alors je ne dis pas que le problème vient du personnel médical, je les admire beaucoup et j’ai foi en leur travail, en eux, seulement on sait tous qu’ils n’ont pas le temps pour faire tout ce qu’ils aimeraient faire.

Le problème est encore et toujours d’ordre financier ; si on leur donnait les moyens d’accompagner chaque femme avec le temps et les ressources suffisantes, nous les mamans on se sentirait plus confiantes car mieux armées pour la suite. On saurait aussi vers qui se tourner en cas de doutes ou de problème, on aurait une référante à qui poser nos questions.

Suis-je en plein fantasme ? Pas tant que ça, vu ce qui se passe en ce moment sur les réseaux avec les #jesuismaltraitante #jesuismaltraitant #noussommesmaltraités.

1 femme = 1 sage-femme ça me semble la base, que ce soit lors de l’accouchement, mais pour tout le suivi de la grossesse et du post-partum. La pétition est lancée à l’heure où j’écris cet article, on verra si elle aboutit à quelque chose…

 

 

En attendant que les choses bougent, que les pouvoirs publics accordent plus d’attention aux femmes enceintes, aux jeunes parents et à la toute petite enfance, nous pouvons déjà informer à notre manière, en complément du travail des sage-femmes, avec toute la réserve et les limites que ça implique, bien sûr.

 

Sinon comment savoir ce qui nous attend les heures et les jours suivant l’accouchement ?

Qui va nous parler des lochies, des tranchées, du ventre qui ne disparait pas avec le placenta, de la nuit de la java, des douleurs physiques post-partum, sans compter tout le bouleversement hormonal ?

Qui va nous dire qu’à ce moment là nous sommes les plus vulnérables et les plus invincibles des femmes et qu’on peut dire non à un acte médical et gynécologique ?

Qui va nous dire l’angoisse que c’est parfois de se retrouver face à un nouveau né, de sentir tout le poids de la responsabilité nous écraser ?

Qui va nous dire le gouffre abyssal qui peut exister entre toutes les projections qu’on avait faites durant notre grossesse et la réalité ?

Qui va nous dire tous les petits trucs pratiques qu’on doit faire les premiers jours et l’infinité des possibles qui s’ouvre à nous : alimentation, diversification, types de couches, éducation, lien d’attachement, développement moteur et cognitif…?

Qui va nous dire à quel point le corps morfle après 9 mois et un accouchement et qu’il faut prendre le temps de se remettre, donc de prendre soin de nous durant les premières semaines et comme elles sont cruciales pour la relation avec son enfant ?

Qui va nous dire que les premiers mois avec un nourrisson sont épuisants, que souvent tu n’as pas le temps de prendre une douche, de manger ou même de te brosser les dents ?

Qui va nous dire que la maternité c’est difficile, qu’on se sent seule et isolée ?

Qui va nous dire qu’une fois ton bébé dans les bras, la peur ne te quittera plus jamais ?

Qui nous dit tout ça, à part les réseaux sociaux, à part les autres mères qui témoignent comme moi pour que les futurs parents ne se sentent plus aussi démunis ?

Personne d’autre en fait. Sauf si on a la chance d'avoir une doula près de soi. C'est un métier un peu oublié qui a pourtant toute sa place justement pour suppléer le rôle de la sage-femme dans ce genre de domaine.

 

 

Mais sommes nous réellement prête à entendre tout ça ?

Certes on ne nous dit pas, mais voulons-nous vraiment savoir ?

Quand on est enceinte on n’est pas forcément dans le mood, parce qu’on est soit au top, on vit sa meilleure vie avec la grossesse, les hormones nous maintiennent dans un état d’épanouissement total donc on n’a pas envie de se confronter à une réalité moins idyllique que nos fantasmes.

Soit on est au plus bas, la grossesse ne se passe pas super bien, on déteste ça, donc là non plus on ne veut pas savoir que la suite risque d’être pire. En tout cas plus éprouvante psychologiquement. On sait des choses, mais pas toujours les bonnes, notamment celles de premières nécessité qui te changeraient la vie si tu les savais. C’est un comble à l’heure de la surinformation généralisée 🤦‍♀️ !

 

 

Et pour celles et ceux qui veulent savoir, voici la vérité : c’est dur d’être parent !

Bon sang ce que c’est dur d’être au quotidien avec un bébé, de l’élever au mieux. Pas parce que l’enfant est dur ou que les tâches en elles mêmes sont difficiles (même si ne plus dormir et être tous les jours dans les pleurs sans en comprendre la raison peut te faire péter un câble 🤯), mais parce qu’on a tout un tas d’injonctions et de normes à respecter, à faire valider pour être acceptés et reconnu en tant que parent.

 

 

Il y a un enchevêtrement de systèmes à l’oeuvre qui nous met la pression.

  • le système médical : la première année un rendez-vous mensuel avec le pédiatre pour s’assurer que le bébé grandit bien et faire toute la batterie de vaccins indispensables pour que ton enfant soit admis en collectivité. Alors attention je ne remets pas en cause la nécessité de ces rendez-vous, mais ils ont par moment un petit côté interrogatoire. La pédiatre de notre fils est top, très ouverte et compétente, n’empêche que de façon plus ou moins subtile elle nous interroge sur notre façon d'élever de notre fils, sur son développement, comme s’il y avait des paliers à atteindre chaque mois. J’ai souvent l’impression d’être évaluée en tant que mère, de devoir valider le test pour continuer à élever mon bébé. Je suis la seule dans ce cas là ?

 

  •  le système social : le travail et le mode de garde sont au centre et ne permettent pas toujours de vivre une maternité épanouissante. Le monde du travail n’est pas adapté aux parents, on est tout le temps tiraillé entre ses aspirations professionnelles et sa vie de famille. Si on veut reprendre le travail aussitôt après le congé mat on est vu comme une mère indigne qui abandonne son bébé. Si à l’inverse on veut rester à la maison pour s’en occuper, on est considérée comme la lie de la société, le rebut du féminisme, la femme soumise qui n’a aucune ambition.

 

  • le système patriarcal sexiste (j’assume pleinement mon féminisme 😎) : la femme est au centre, mais pas pour être valorisée, plutôt jugée, épiée et critiquée. On porte la charge mentale et on s’attend à ce qu’on sache tout gérer (travail, famille, couple) sinon on nous attend au tournant en mode « tu l’as voulu ta liberté, maintenant assume tout et surtout ne te plains pas ! ». Certes en s’émancipant les femmes ont pris du pouvoir et ont pu avoir des carrières au même titre que les hommes, seulement elles ont conservé les tâches domestiques qui leur étaient allouées avant. Donc en plus d’une carrière, elles doivent se taper l’intendance de la maison et des enfants. Elles cumulent. Bien sûr que les hommes changent et s’impliquent plus dans la vie de famille, mais qui appelle-t-on encore en premier quand il y a un problème à la crèche ou à l’école ? Qui se charge des rendez-vous médicaux justement (de les anticiper, de les prendre, d’y aller et d’appliquer ce qui a été prescrit) ?

 

  • le système familial : à nouveau le lieu par excellence du jugement. Tout sera soumis à question, à remise en question, à débat, à conseil (pas adapté ou dépassé). On est censé se sentir en sécurité et soutenue dans ce système là, malheureusement pas toujours. Et c’est celui qui fait le plus mal. Les remarques du type « mais pourquoi tu l’allaites ? », « pourquoi tu fais comme ça ? » « t’es sûr que c’est bien ? » « c’est quoi cette nouvelle mode de porter tout le temps ton bébé ? » « mais laisse le pleurer ce petit, sinon il n’apprendra jamais » « tu vas lui donner de mauvaises habitudes à force de céder à ses caprices »… C’est plus difficile de se préserver de ce système là puisqu’il est au coeur de nos vies, mais il faut savoir s’en éloigner, prendre du recul et faire ce qui nous semble bon et nous épanouie.

 

 

Avec cette superposition de systèmes, c’est l’extérieur qui est dur, pas l’intérieur. Bon si quand même quand les bébés font leurs dents, ou qu’ils ne dorment jamais, ou qu’ils ne veulent être que dans les bras, mais là encore, qui nous prévient de cela ? Qui nous dit que les nouveaux nés ont besoin d’être portés, d’être en maternage proximal pour se sentir en sécurité et développer leur cerveau sereinement ? Qui nous dit qu’il y a des alternatives à tout ce qu’on connait, que la voie n’est pas unique et uniforme ?

Encore une fois les réseaux sociaux !

Tant mieux pour celles et ceux qui en vivent et qui font un travail d’excellence, tel que le podcast de Clémentine SARLAT, la Matrescence (lien en Ressource), que je juge d’utilité publique. J’y apprends tellement !

 

Le souci c’est que ça ne reste que des alternatives pour le moment. Comme s'il y avait une norme, et puis à la marge des gens qui font selon leur lubie du moment. En fait il faut que les parents sachent qu’il n’y a pas de règles ; il n’y a pas la version classique dominante et des petites options par-ci par-là. Arrêtons les normes et généralisons les alternatives pour les rendre aussi légitimes que les pratiques plus courantes.