Je suis assez remontée par ce que je viens de vivre, donc j’écris un article coup de gueule et raz le bol !
Comme j’ai déjà pu l’expliquer dans un précédent article (cf. La culpabilité maternelle), je suis actuellement en recherche d’emploi. Mauvais timing à cause du COVID ou bonnes opportunités à saisir, peu importe, le tout étant que je me retrouve sur le marché de l’emploi, je suis une femme dans la trentaine, et là déjà ça coince.
Je savais que le fait d’être une femme serait un facteur discriminant dans ma recherche. J’en suis révoltée de base, mais quand on le vit concrètement c’est encore un autre niveau.
Récemment j’ai eu un entretien pour un poste similaire à ce que je faisais avant, donc jusque là pas d’appréhension, ni particulièrement d’inquiétude. Sur le papier je connais très bien le taf, j’ai une forte expérience, des compétences techniques et de terrain, donc je sais que je peux faire l’affaire (j'ai rarement aussi confiance en mes capacités 😉). Encore faut-il que l’entreprise me plaise, ses valeurs, sa politique sociale…bref j’y vais en me disant, pourquoi pas, on verra bien.
J’étais préparée à ce qu’on me pose des questions privées, des questions que les recruteurs n’ont pas le droit de poser mais dans la réalité ils les posent quand même. Cela ne m’a donc pas surprise quand on m'a demandé quelle était ma situation familiale, si j’avais des enfants, et SURTOUT, si j’en voulais d’autre.
Je ne misais rien sur cet entretien, donc je n’ai pas été déstabilisée par cette intrusion dans ma vie privée, mais quand même bordel !!!
Sur le coup j’ai été honnête, ne voulant ni mentir (ce que j’ai le droit de faire lors d’un entretien d’embauche, mais pas sur le CV), ni raconter mon combat féministe sur cette fameuse question du 2e enfant (je vous renvoie à un autre article traitant du sujet cf. La pression du 2e enfant), j’ai simplement dit que je ne savais pas ce que l’avenir me réservait.
Ils ont aussi insisté pour savoir qui gardait mon fils, comment on s’organiserait s’il était malade, si j’avais de la famille à proximité pour nous aider dans ces moments là.
Je tiens à préciser que j’étais face à 2 hommes, la trentaine, très sympathiques, mais alors pas du tout au fait de la loi en matière de recrutement, et particulièrement sexistes dans leurs questions puisque je doute très très très fortement qu’ils aient posé toutes ces questions à des hommes dans ma situation. Je n’ai pas de preuve, et peut-être que je me trompe, mais vu la façon dont ils formulaient les questions, je sentais que ça s’adressait uniquement à des femmes.
Dans leur démarche il y a plein de problème qui me heurtent, qui m’horripilent et me révoltent profondément.
Le premier c’est qu’ils n’ont pas le droit de me poser des questions de nature privée 🙅♀️!!! Si déjà tous les recruteurs jouaient le jeu et respectaient la loi, les inégalités homme/femme diminueraient.
Le deuxième c’est le nombre de questions posées. Une à la limite je veux bien qu’on cherche à mieux connaître la personne, mais autant, et de plus en plus poussées et en insistant quand même malgré leurs sourires, moi ça me dérange.
Le troisième c’est de m’avoir posé THE question que tout le monde me pose en ce moment, « alors, c’est pour quand le deuxième enfant ? ». Comment te dire que j’ai envie de baffer toutes les personnes me posant cette question, alors qu’on me demande dans un entretien d’embauche si je compte en avoir un autre, ça m’a quelque peu échauffé les mains.
Intérieurement c'était : non mais ils n'ont pas osé, ils ne viennent pas de faire ce que je crois qu'ils viennent de faire 🤦♀️.
Je suis bien évidemment restée stoïque face à ces 2 HOMMES, qui m’ont par ailleurs expliqué pourquoi ils me demandaient cela.
Ils avaient eu des « déboires » avec une précédente salariée qui s’absentait beaucoup pour garder son enfant malade, et puis très clairement ils ne veulent pas recruter une personne qui sera en arrêt de plusieurs mois à un moment ou un autre pour donner naissance à un enfant qui sera par la suite potentiellement souvent malade 🤬.
En soi je comprends leur raisonnement, il est logique, à leur place est-ce que je ne raisonnerais pas de la même manière ?
Pour le coup je peux affirmer que non, puisque je suis aussi employeur à mes heures perdues, et mon équipe est constituée exclusivement de femmes, presque toutes mamans, voire grand-mère !
Certes remplacer une femme qui part en congé maternité ça a un coût, et encore, l’impact financier est minime puisque pris en charge par la sécu.
Le plus dur étant de retrouver une personne rapidement capable de faire le taf et de s’intégrer facilement dans l’entreprise et/ou l’équipe. Ça demande du temps et de l’énergie, mais à quel moment est-ce insurmontable ou pénalisant pour la boîte ? Peut-être qu’on va tomber sur une perle rare dont les compétences seront transférables (jargon à la mode dans le milieu de la recherche d’emploi 😁) dans un autre service ou sur un autre poste, ou que sais-je ?
Je connais la réalité du terrain, je sais que c’est faisable alors me sortir l’argument de la déstabilisation du service en cas d’arrêt (valable en plus pour tout salarié quelque soit son sexe, son genre ou sa situation familiale) ça ne marche pas avec moi !
Ces questions m’ont énervée aussi pour une dernière raison, l’inégalité des sexes qu’elles entretiennent.
Je suis féministe depuis l’enfance, et j’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans d’autres articles, mais ma maternité m’a encore plus révélée à moi-même sur cet aspect, donc autant vous dire que je suis vite remontée maintenant dès qu’on aborde ces questions.
Je trouve cela scandaleux qu’en 2021, on pose encore ces questions à des femmes lors d’un entretien de recrutement.
Je trouve injuste de devoir payer le prix de mon âge et de ma condition de femme, que je n’ai pas choisi, comme toutes les personnes discriminées pour X ou Y raison.
Je trouve inadmissible que des employeurs se permettent de demander ce genre de choses à des candidates dans ma tranche d’âge ; oui parce que cela sous entend aussi que si j’avais passé les 40-45 ans on ne me poserait plus la question ; sous entendu bis : regard bourré de préjugés de la société patriarcale sur une femme uniquement par le prisme de sa capacité reproductive. On nous ramène sans arrêt à cela en fait !
Jeune on est un élément inexpérimentée, non fiable et perturbateur d’organisation puisqu’en « âge de procréer ».
Plus vieille, passée la quarantaine, on a de l’expérience, on coûte donc plus cher en salaire (mais toujours moins qu’un homme, faut pas déconner non plus), mais vu que la date de péremption approche, ou est passée, on devient plus intéressante.
Par contre, une fois les cinquante ans révolus, on bascule dans la gériatrie aux yeux des recruteurs et de la société, c’est l’approche de la retraite, donc plus bonne à rien. On ne se donne même pas la peine de la recevoir.
Le pire c’est que je schématise à peine 😤.
Bien évidemment que toutes les entreprises ne raisonnent pas de cette façon, mais je doute que ce soit la majorité.
C’est pour ces raisons que je milite pour l’allongement du congé du 2e parent. On dit encore à tort le congé paternité, mais en l’occurrence si les hommes avaient le même temps de congé que les femmes, ces questions ne seraient plus discriminantes ni sexistes.
Je veux bien qu’un employeur ait besoin de se projeter lorsqu’il envisage un recrutement, mais dans ce cas qu’il le fasse de la même façon pour les hommes et les femmes ; que les questions et les attentes soient les mêmes, que les salaires et les conditions de travail soient les mêmes, que les missions et la répartition de la charge mentale soient les mêmes !
Tout est lié.
On ne peut prétendre changer la société sans changer les comportements et les mentalités au sein des entreprises. Tout comme on ne peut changer les pratiques professionnelles sans changer les politiques sociales et la loi. On ne peut changer les politiques publiques sans éduquer et informer.
A nous femmes, mères, soeurs, de crier nos combats, nos injustices, nos révoltes.
A nous de transmettre une autre éducation, une autre version de la société, au travers d’une maternité et d’une féminité affirmée, revendiquée et éclairée.
Pour la petite anecdote, je ne sais pas encore si j’ai le poste, mais très clairement si on me rappelle je ne manquerai pas de dire ce que je pense de leurs pratiques.