J’en ai déjà parlé dans de précédents articles (cf. En finir avec la culpabilité 1 et 2), mais c’est un sujet tellement important, qui parasite tellement la vie des mamans, et des femmes dans leur ensemble, que j’ai envie d’en reparler.
Je ne vais pas aborder la question sous le même angle, puisque cette fois je veux parler de la culpabilité des mères au foyer.
Pas de solution ici, que des réflexions, des doutes, des interrogations et de la sincérité sur ma vision des choses.
Je ne me définis pas comme mère au foyer, mais dans les faits concrètement j’ai tout d’une housewife. Si je n’emploie pas ce terme pour qualifier mon activité c’est parce que cette situation n’est pas un choix à la base. Normalement je suis en recherche d’emploi, je suis en reconversion professionnelle, chômeuse, peu importe le nom, mais je ne suis pas mère au foyer.
Ma situation actuelle est donc subie. A l’origine j’ai quitté mon emploi pour un projet professionnel très précis, qui n’a pas abouti, mais de ce fait je me suis retrouvée pendant un an à gérer à plein temps mon fils, et encore aujourd’hui il n’est pas tous les jours à la crèche, puisque « je ne travaille pas ».
Et c’est là que la culpabilité entre en scène dans ma vie.
Je culpabilise de laisser mon fils le matin en pleurs à la crèche alors que je pourrais très bien lui épargner ça et le garder avec moi à la maison, « puisque je ne travaille pas ».
Je culpabilise de ne pas travailler, de ne pas faire vivre ma famille avec mon salaire, alors que j’ai reçu une éducation très féministe sur ce point, où une femme se doit d’être indépendante financièrement, elle se doit de subvenir elle-même à ses besoins et à ceux de sa famille.
Je culpabilise d’être épuisée et de laisser mon chéri gérer notre fils les matins où il se réveille super tôt, alors que je devrais le laisser se reposer et m’occuper moi-même de notre bébé, « puisque je ne travaille pas ».
Je culpabilise de ne plus être la femme forte et indépendante que j’étais, de ne pas être la working mum que je m’imaginais être un jour.
Je culpabilise de ne pas m’épanouir dans ce rôle de mère au foyer que tant d’autres femmes m’envient, mais qui n’ont pas le choix que de retourner travailler à la fin de leur congé maternité trop court.
Je sais que c’est une chance de pouvoir passer toute la première année de vie de son enfant à ses côtés, de profiter de chaque instant, de le voir littéralement grandir et s’ouvrir au monde sous nos yeux. Je ne regrette pas mes choix sur ce point là.
Mais maintenant qu’il va un peu à la crèche, qu’il s’autonomise de plus en plus, j’ai besoin de reprendre une activité professionnelle. Et j’en ai envie. Ça me manque ce lien social, ces échanges avec d’autres adultes sur des sujets à mille lieu de ma vie de famille.
Je culpabilise d’écrire et d’avoir ce site que j’alimente toutes les semaines. Je me dis que c’est du temps que je pourrai consacrer à mon fils, ou à ma recherche d’emploi. Je me dis que ce n’est pas sérieux, que je devrais me concentrer sur des tâches plus productives et concrètes.
Je culpabilise de penser qu’être mère au foyer n’est pas pour moi et que j’en ai presque honte. J’admire toutes ces femmes qui font ce choix personnel et professionnel, qui s’y épanouissent surtout.
Je voudrais pouvoir l’assumer fièrement, le revendiquer parce que pour moi c’est un vrai travail, comme j’ai pu déjà l’exprimer. C’est un vrai statut, or la société refuse de le reconnaitre, je ne comprends pas bien pourquoi, et je m’en veux d’autant plus de rentrer dans ce jeu là des préjugés.
Mais c’est plus fort que moi, je n’arrive pas à me reconnaître dans cette fonction, dans ce travail, cela ne me correspond pas. Et je culpabilise tout le temps du coup.
Si jamais je veux travailler je suis une mère qui abandonne son bébé, si jamais je ne veux pas travailler je suis inutile à la société ; si jamais je veux prendre du temps pour moi je suis une égoïste, si jamais je veux juste me reposer, je suis la nana qui abuse de laisser son mec qui se tue à la tâche au boulot s’occuper de notre enfant, alors que « je ne travaille pas ».
Il n’y a aucune bonne solution, quoi que je fasse, quoi que je décide, ça n’ira pas aux yeux de la société. C’est épuisant !
Le pire c’est que cette pression de la culpabilité je me l’impose toute seule. Mon mari ne me fait aucun reproche, ne me dit jamais que je suis une paresseuse ou une égoïste. Il trouve normal de s’occuper aussi de son enfant, même s’il a un travail.
C’est mon éducation qui veut ça.
L’image de la femme et de la mère que renvoie la société aussi m’influence beaucoup.
Et puis il y a les petites remarques qui n’ont l’air de rien, mais qui nous assassinent sur place, du type « mais tu as le temps, TOI ».
Le pire c’est que c’est moi maintenant qui l’utilise pour me justifier de tout cuisiner moi-même pour notre fils. Quand je vois que des mamans qui achètent des petits pots industriels ont l’impression que je les juge ou qu’elles pourraient se dévaloriser de ne pas pouvoir ou vouloir faire tout maison, aussitôt je les rassure en leur disant que pour moi c’est plus facile « puisque je ne travaille pas » ou que « j’ai le temps ».
Je le dis pour les déculpabiliser, et c’est l’ironie de ma vie ; je me culpabilise lorsque je permets à d’autres femmes de se déculpabiliser. Oui, non mais on est sur un sacré niveau de cerveau tordu 🤪 🤯.
Et quand on culpabilise autant, bah on passe son temps à se justifier, à trouver des formulations alambiquées, et à se pourrir la vie de l’intérieur.
Écrire m’a permis de mettre pas mal de choses à distance, de prendre du recul sur ma maternité et sur moi, mais ce n’est pas magique non plus.
La culpabilité maternelle touche toutes les mères, qu’elles travaillent à 35h ou à temps partiel ; qu’elles s’éclatent dans leur vie pro ou pas ; qu’elles s’épanouissent à la maison ou pas ; qu’elles consacrent tout leur temps à leur famille ou qu’elles prennent du temps pour elles ; qu’elles soient célibataires ou en couple ; qu’elles soient riches ou pauvres.
C’est un sentiment assez largement partagé, mais qu’on évite encore d’aborder tant il est culpabilisant 😉.