Je crois que quand on devient parent, et surtout maman, un des sentiments qui prédomine c’est celui de la CULPABILITE. Je ne sais pas si c’est inévitable, mais pour ma part il a très vite trouvé sa place dans ma vie.
Je vais parler ici de l’intrusion de ce sentiment dans mon quotidien, ses manifestations et comment je le gère, parce que bon clairement je n’en suis pas encore au stade de son éradication totale 😉.
Il y a la culpabilité évidente, celle qu’on ressent tous lorsqu’on se plante, qu’on ne sait pas et qu’on se dit qu’on aurait du choisir l’autre option ; qu’on aurait du faire autrement et surtout qu’on aurait du le savoir parce que c’est notre enfant et qu’on doit savoir !
On est tous d’accord qu’on fait ce qu’on peut et qu’un bébé n’est pas fourni avec une notice explicative, mais bon c’est ainsi, nous les mères, on se met une pression folle pour être, si ce n’est parfaite, au moins performante et efficace, qui plus est dans le domaine de la maternité qui est « censé » être notre pré carré par nature.
Je ne sais pas d’où ça vient, mais il faut toujours en faire plus, en savoir plus et donner plus aussi. Mais au final on reste des êtres humains avec nos limites, nos failles et nos erreurs. Seulement ça pour la perfectionniste que je suis c’est inacceptable.
Du coup comment allier la maternité qui est le moment et l’expérience la plus extra-ordinaire qu’une femme va vivre dans sa vie, avec la pression qu’elle se met et que lui met la société et ses proches ?
J’entends souvent parler de lâcher prise, c’est bien joli, mais concrètement on fait comment ? C’est un concept avec lequel je suis d’accord sur le papier, mais dans ma vie de tous les jours je ne vois pas toujours comment l’appliquer.
Pour ne pas vivre en permanence dans cette frustration, je dois trouver des solutions, des façons d’être en accord avec moi-même et avec le besoin de relâcher la pression.
En tant que bonne perfectionniste je veux tout contrôler, or un bébé c’est bien la seule chose qui ne se contrôle pas du tout ! C’est de l’imprévu perpétuel, c’est du doute, des questionnements, des échecs, des tentatives, des alternatives, des progrès, des régressions, et quand on commence à se sentir à l’aise, à comprendre son fonctionnement, il change radicalement de comportement et on n’a plus qu’à tout recommencer. C’est épuisant et déprimant bien souvent, d’où des dépressions post-partum tardives qui passent inaperçues.
La seule solution que j’ai trouvé dans ce cas c’est d’être patiente. Je sais ce n’est pas facile pour tout le monde, mais vraiment il faut se dire que ça va passer, parce que tout finit toujours par passer, et qu’un jour il ne pleurera plus, qu’un jour il dormira bien, qu’un jour il marchera, qu’un jour il ira sur le pot, et au pire l’école est obligatoire à partir de 3 ans, donc on soufflera bien à un moment 😉.
Mais quand on est dans le dur, qu’on n’en voit pas le bout et que notre bébé pleure du matin au soir, qu’il refuse de dormir ou qu’il se cogne la tête contre les murs, difficile de voir la belle lumière de l’éducation positive au bout du tunnel.
Je suis la première à dire qu’il ne faut pas laisser pleurer son bébé, qu’on ne gifle pas un enfant, qu’on ne l’insulte pas et qu’on le traite avec respect, mais ces préceptes éducatifs si bienveillants soient-ils sont une pression supplémentaire pour les parents. On sait beaucoup de choses aujourd’hui grâce à la science et c’est génial, mais c’est aussi très culpabilisant quand on ne parvient pas à cocher toutes les cases !
Les fameuses neurosciences ont prouvé que le cerveau des tout-petits n’est pas mature avant l’âge de 7 ans et qu’il continue de se développer jusqu’à 25 ans.
On sait maintenant qu’un enfant ne fait pas de caprice, il ne sait juste pas encore réguler ses émotions, donc ce qu’il vit peut s’apparenter à des tempêtes émotionnelles (cf. le Dr Guéguen). Il ne contrôle rien pour le coup et fait juste ce qu’il peut avec ce qu’il a.
On sait également qu’on ne doit pas laisser pleurer un bébé, car ça génère chez lui un stress très néfaste qui risque de perturber son développement affectif et cognitif.
On ne le frappe pas bien sûr, on ne le maltraite pas verbalement non plus, bref on le traite avec bienveillance et empathie tout comme on voudrait être traité. Je suis tout à fait en osmose avec ça, la pédagogie positive, les neurosciences tout ça tout ça, mais j’ai remarqué que ça avait un côté culpabilisant qui m’oppressait.
Devenir mère n’est pas simple, mais si en plus il faut répondre à toutes les injonctions (contradictoires) de la société, des professionnels de la petite enfance et de nos proches, pas étonnant que tant de maman se sentent si mal.
Attention, je ne dis pas que les neurosciences sont mauvaises ou ne servent à rien, bien au contraire, je tente quotidiennement de les suivre à la lettre, mais peut-être un peu trop. Je constate toute la pression que ça me met et je pense qu’il faut aussi faire avec ce qu’on est, dans l’amour, le respect et la bienveillance pour son enfant. Tant qu'on ne maltraite pas son enfant (physiquement ou verbalement) on n'est pas une mauvaise mère.
A trop vouloir bien faire dans tous les domaines, on finit par perdre pied et, à bout de nerf, on peut vite déraper, s’énerver et avoir des mots méchants ou une intonation trop brutale.
Tout ce sentiment de nullité absolue et de culpabilité est bien sûr exacerbé si on ne dort plus depuis des semaines ou des mois, qu’on n’a plus de temps pour soi, ne serait-ce que pour prendre une douche ou sortir marcher 10 minutes.
Ces parents qui dérapent ne sont pas des monstres, et le Dr Guéguen l’explique très bien. Personne ne prémédite de faire du mal à son enfant, pourtant ça arrive plus souvent qu’on ne croit ; c’est qu’il y a un problème quelque part, notamment dans l’accompagnement des jeunes parents.
Je veux dire à tous les parents que vous avez le droit de craquer et de pleurer, même devant votre enfant ; que vous faites tout ce que vous pouvez et que c’est énorme. Ça arrive d’élever la voix, de s’emporter et de vouloir tout envoyer balader, mais le plus important est de savoir se pardonner à soi et de s’excuser auprès de son enfant. Un tout petit, et même un grand, sera d’autant plus en confiance si l’adulte sait reconnaître ses erreurs et aller au delà, j’ai pu le constater à maintes reprises dans le cadre de mon travail avec des ados.
Ce n’est pas s’humilier que de s’excuser et d’admettre qu’on a eu tort, bien au contraire, votre enfant est un être humain, mettez vous à sa place et acceptez de vous montrer tout aussi vulnérable que lui.
Ça arrive de ne pas répondre dans la seconde à des pleurs parce qu’on est aux toilettes, qu’on dort enfin depuis 20 minutes, ou tout simplement parce qu’on est excédée de devoir aller pour la 14e fois en 1 heure le rendormir.
Je sais que toute la première année de mon fils j’en étais malade si jamais je ne pouvais venir le voir dans la minute. Je me disais que j’allais détruire son cerveau, qu’il n’aurait jamais confiance en lui à cause de mes manquements, qu’il ne se développerait pas bien par ma faute.
Honnêtement cela ne fait pas longtemps que je relâche la pression avec ça. C’est un pedopsy qui m’a fait remarquer que je me pliais en 4 pour faire dormir mon fils, que je m’en rendais physiquement malade, alors qu’il va très bien et qu’il se développe parfaitement.
Cela m’a rassurée, j’avais besoin d’entendre ces mots de la part d’un professionnel pour me permettre à moi de prendre du recul avec toutes ces recommandations. Je pense qu’il faut dire davantage quand ça va, quand on fait bien. C’est important, ça rassure et ça encourage. Ça permet aussi de dédramatiser les inquiétudes qu’on peut avoir, ça permet de relativiser quand ça ne va pas. Valoriser le positif, les réussites c’est essentiel, et savoir le faire avec soi-même c’est encore mieux 😉.
L’éducation bienveillante et la communication non violente sont au coeur de ma démarche et de notre parentalité, mais parfois je m’énerve, parfois je suis épuisée, parfois je n’ai plus de patience. J’essaie de ne pas crier, de ne pas hausser le ton, mais quand tu ne peux pas passer le relai à l’autre parent, tu n’as pas le choix, tu craques : tu jettes un truc (pas le bébé 😉), tu menaces ou tu négocies. Que celles qui n’ont jamais fait ça me jette la première pierre 🙄.
Aujourd’hui j’essaie d’accueillir ses colères avec recul, je me mets physiquement à distance pour le laisser pleurer comme il le veut et se rouler par terre s’il le souhaite. Et quand ça passe je le prends dans mes bras pour le rassurer, pour me rassurer aussi et faire redescendre la pression de tout le monde.
Mais encore une fois rien n’est parfait. Quand je n’en suis pas capable émotionnellement bah je pleure et je m’autorise à le faire. Je tente de ne pas me dévaloriser pour autant. Je tente de comprendre ce qui m’a mis dans cet état afin de ne pas le revivre et peut-être mieux appréhender les choses la prochaine fois.
Je crois que la culpabilité vient des attentes qu’on se fixe et du trop grand décalage qui se produit avec la réalité. On se met la pression parce qu’on idéalise une image de la mère parfaite qui gère tout d’une main de maître et qui retrouve un corps de rêve 2 semaines après son accouchement (cf. Mon corps ce héros).
Mais cette image n’est qu’une illusion, un leurre, une utopie qui d’un seul coup rencontre la réalité pure et brute. On idéalise aussi son enfant, mais dans une moindre mesure parce que quoiqu’il arrive, on le trouve parfait tel qu’il est et celle qui n’est pas à la hauteur c’est nous.
L’utopie vs la réalité c’est violent et souvent on n’y est pas préparé. On s’est fait tout un film de ce que sera notre vie et le moins que l’on puisse dire c’est que ça n’y ressemble JAMAIS.
Il faut donc arrêter de se mettre cette pression. Il faut arrêter de se dénigrer et de penser qu’on est nulle ; non, on ne sait juste pas encore bien comment faire et c’est ok en fait. Il faut accepter de ne pas savoir et d’apprendre sur le tas avec son bébé.
Il faut accepter que certains jours seront plus difficiles que d’autres et qu’on fera mieux le lendemain. Il faut juste prendre son bébé comme il est et accepter la mère qu’on est, sans se comparer, sans trop d’attentes envers soi, et déléguer la charge mentale à son partenaire si on peut 😉.