Je prends du temps pour raconter mon histoire, d’une part parce que j’en ai besoin ; j’ai besoin de revenir sur tout ce parcours à rebondissements, sur un vécu parfois douloureux pour pouvoir le sortir de moi, pour enfin clore ce chapitre et le dédramatiser.
D’autre part, parce que je me suis tellement sentie seule durant cette période, que je veux aujourd’hui apporter à d’autres mères le soutien que je n’ai pas eu.
J’écoutais des récits d’allaitement plus ou moins difficiles, mais je ne me reconnaissais jamais dans ces histoires, tout simplement parce que chaque expérience est unique. Si toutefois d’autres femmes vivent des choses similaires à moi, j’espère qu’elles trouveront dans mon témoignage un peu de réconfort, des réponses à leurs interrogations et surtout moins de solitude.
Je ne prétends pas être une experte en allaitement, mais si je peux aider, aiguiller d’autres mamans aussi perdues que je l’étais alors tant mieux.
Le « si j’avais su… » on se le dit toute, mais pour le coup je veux partager avec vous ce que j’ai compris au travers de cet allaitement foireux, et aussi ce que j’ai appris en écoutant d’autres femmes et des professionnels témoigner.
C’est pour cela que je vais rédiger un article supplémentaire, purement pratique et informatif. Toutefois pour les plus courageuses qui seront allées au bout de ma trilogie je vous offre un petit bonus en bas de page 😉.
J’ai vite réalisé que l’allaitement allait être un challenge pour la femme indépendante que j’étais.
Sans doute à cause de tous les problèmes que j’ai rencontré, mais j’ai vu l’allaitement comme un véritable sacerdoce : un don de soi total auquel je ne m’attendais pas. Décidément la fille qui ne s’attend à rien, mais qui espère que tout sera idyllique.
Il fallait que je sois H 24 avec mon nourrisson pour l’allaitement à la demande, mais certaines périodes ont été plus difficiles à vivre que d’autre, notamment les pics de croissance. Pour en savoir plus je vous renvoie à mon article Nuit de la java…wtf ?
Dans ces moments là mon fils était au sein en permanence. Et j’en ignorais là encore la raison. Pas facile à vivre quand on ne comprend pas ce qui se passe.
C’est à ce moment que j’ai commencé à réellement m’intéresser à la maternité, à la matrescence que je vivais. Je voulais savoir, comprendre et me rassurer.
C’est pour toutes ces raisons que j’écris ces articles ; j’ai mis le doigt dans l’engrenage et me voici un an plus tard à transmettre à mon tour le fruit de mes nuits de recherche et de mon expérience de maman complètement larguée 😁.
Rappelez-vous, j’avais choisi l’allaitement pour son côté pratique, économique, sans calcul ni prise de tête.
Bon bah raté !
En sortant de la néonat on s’est mis à tout noter, mais vraiment tout ! Les tétées : le nombre, à quelle heure, combien de temps ; les changes : quoi, quand, combien. Une horreur écologique en terme de consommation inutile de papier 🤦♀️.
Je sortais peu parce qu’il fallait que je le nourrisse toutes les 2 heures les premières semaines. Progressivement on est passé à toutes les 3 heures, mais à chaque fois il fallait que je tire mon lait aussitôt. Enfin c’était ce que je croyais. J’aurais du arrêter bien plus tôt, mais mes problèmes d’infection et de crevasses ne se résorbaient pas, le cercle vicieux comme je l’ai dit. Et puis je ne savais pas ; je doutais de tout et surtout de moi.
Les sorties pour nous étaient synonymes de trop d’inconvénient. Je pourrais résumer ça par « jamais sans mon tire-lait ». Il me suivait partout ou presque, ma caisse à out’s à moi 😉. C’était ridicule, mais j’angoissais tellement que je ne pouvais faire autrement. De ce fait on sortait peu, ou de façon très organisée, très anticipée, et à force ça a commencé à nous peser. Je voulais me libérer de cette machine qui me tyrannisait presque, mais je ne savais pas comment faire.
Encore une fois, j’ignorais beaucoup de choses, malgré toutes mes recherches. Je n’ai eu les bonnes infos que tardivement, et il m’a fallu du temps pour les assimiler et oser prendre le risque de modifier un rouage. Tout était bien trop fragile. Je craignais que cela ne signe l’arrêt définitif de mon allaitement et je n’en avais pas le courage à ce moment là.
Quand je parlais de bataille dans le précédent article je ne plaisantais pas, c’est vraiment ce que j’ai ressenti.
J’ai raconté comment j’étais littéralement branchée à mon tire lait 10 heures par jour au début. Je devais remonter la production, et j’y suis parvenue, mais à quel prix ! J’y ai laissé un bout de téton au passage et toute mon énergie. J’ai mis à peu près 3 mois à cicatriser de cette blessure de guerre. Et quand tout a enfin été guéri, il n’en voulait pas.
Nouvelle bataille : le faire téter des deux côtés.
Il avait tellement l’habitude avec un seul sein et un biberon de mon lait en complément, que j’ai encore du mettre un mois avant qu’il n’accepte de téter sur les deux seins.
Bon à ce moment on se dit que ça va s’arranger, mais pas du tout ! Pire peut être parce qu’il ne tétait pas assez, il lui fallait tout de même un complément au biberon, donc je devais toujours passer des heures sur ma machine de l’enfer 😰.
Si au moins les tétées s’étaient bien passées, j’aurais pu bien le vivre, mais non !
Un autre problème est survenu, qui a fait de chaque tétée un combat : soit ça démarrait bien, mais au bout de 5 minutes c’était fini, il se tortillait dans tous les sens et rejetait le sein ; soit c’était l’inverse. Autrement dit, je n’ai jamais eu une seule tétée paisible.
Par moment j’avais envie de tout lâcher. Ça durait 10 secondes et puis je le regardais et je savais pourquoi je faisais tout ça.
J’ai tenu bon. J’ai cherché à comprendre ce qui se passait.
J’ai émis toutes les hypothèses possibles : REF, RGO, manque de lait, coliques, torticolis, AVC (oui oui je vous jure que c’était une réelle option pour moi, j’ai d’ailleurs découvert à ce moment là que les nouveaux nés pouvaient également en être victimes).
Je n’en dormais plus tellement j’étais focalisée là-dessus. Je ne voulais rien lâcher. Pourtant au fil des mois je me suis épuisée à faire fonctionner une chose qui avait très mal commencé.
Pas facile, quand on ne l’a pas vécu, de comprendre pourquoi on s’inflige tout ça quand il suffirait de donner le biberon. J’y vois justement toute la puissance de l’allaitement, sa force et sa beauté. C’est un lien tellement intense et privilégié entre une maman et son bébé, qui peut conduire à des sacrifices insoupçonnés 😌.
Je me suis donc acharnée en espérant que ça ne soit que passager, mais ses premières dents sont sorties à 4 mois et là, comment dire…bah là j’ai pleuré tout simplement.
Elles ont eu raison de moi et de tous les efforts que j’avais fournis pour que ça fonctionne enfin.
À partir de là j’ai commencé à réfléchir sur mes réelles motivations. Je me suis posée un milliard de questions
Quand il a eu 5 mois, 3 dents et qu’il m’a mordue durant une tétée nocturne particulièrement sportive, là j’ai STOP.
Se faire mordre le téton par un bébé c’est violent.
En larme, parce que j’avais mal au téton, mais aussi parce que je devais me résoudre à mettre un terme à ce qui me tenait le plus à coeur (ma tension avait chuté, j’étais au bout du rouleau), j’ai donc décidé d’arrêter, et d’arrêter vite.
Cette décision m’a tellement soulagée, dans un premier temps. Puis j’ai culpabilisé, sinon ce n’est pas drôle 😉. Mais mon choix était fait et quand je décide quelque chose je m’y tiens.
Le sevrage a du être un peu brutal pour lui, mais je n’en pouvais plus, je me demande encore comment je pouvais tenir debout. Je ne voulais pas faire trainer les choses. En une semaine c’était fini.
Il a eu un peu de mal au début à accepter le lait en poudre, mais quand je lui ai expliqué pourquoi je le faisais, il a très bien pris le biberon et n’a même plus cherché à téter. Lui qui n’était attiré que par l’odeur du lait sur moi, là il ne s’en préoccupait plus.
C’est fou comme si petits ils comprennent déjà si bien.
De ce jour j’ai repris le contrôle de mon corps, j’en avais vraiment besoin et ça m’a sauvé.
J’avais besoin de retrouver pleinement mon corps, de redevenir une femme et non plus une mère laitière. Oui par moment j’avais le sentiment de n’être que ça.
Allaiter c’est un vrai don de soi comme je le disais ; il faut être tout le temps disponible pour son bébé, il faut être là, en tout cas moi c’est ainsi que je l’ai vécu.
J’ai pu à nouveau remettre du parfum, c’est tout bête mais enceinte et allaitante je ne voulais aucune odeur parasite sur moi, je n’avais que des cosmétiques inodores et j’en avais marre !
J’ai retrouvé mes produits mis de côté quand j’avais appris que j’étais enceinte. J’ai repris plaisir à me laver avec un savon qui sentait bon, pareil pour le déodorant et le dentifrice.
Je pouvais enfin manger tout ce que je voulais sans risquer de lui détraquer l’estomac et je pouvais trinquer avec mes proches le jour de mes 35 ans !
Je pouvais enfin avoir un peu de temps pour moi 🙂.
Je reprenais possession de moi-même, de ma liberté de mouvement ; je pouvais enfin m’éloigner de la maison et de mon fils plus de 2 heures !
Arrêter d’allaiter m’a surtout permis de retrouver de l’apaisement, de la sérénité vis-à-vis de mon bébé. Je ne pouvais plus porter toute cette pression : savoir s’il avait assez, s’il allait être agité, si j’allais avoir mal, si j’allais encore tenir le coup une autre journée. Le reconnaître me fait mal, mais ne plus allaiter m’a libérée. Pourtant à refaire, j’y retourne sans hésiter.
Pourquoi ? Pourquoi je le referais ?
Parce qu’allaiter son bébé c’est bien plus que le nourrir. Je crois que s’il y a une chose essentielle à retenir sur l’allaitement c’est bien celle là 🙂.
Allaiter c’est partager un lien, une connexion, une relation unique. On lui donne le meilleur que notre corps puisse produire, mais surtout on passe du temps avec lui, on le câline, on le rassure, on le berce, on le regarde, on l’observe, on le sent, on le respire. Lui nous sent et nous respire aussi. Il sent notre coeur et s’accorde avec lui.
Un bébé agité, effrayé, stressé, fatigué, retrouvera l’apaisement et le confort au sein. Il sera serein, plus que rassasié par moment. Souvent les bébés ne veulent pas manger, ils veulent un câlin, un peu de réconfort. Ils tétouillent plus qu’ils ne tètent dans ces cas là et c’est normal, c’est bien même 😊. Ils en ont besoin. Leur réflexe de succion est fort, surtout au début, donc téter est un moyen pour eux de s’apaiser. C’est la raison pour laquelle beaucoup de parents donnent une suce à leur bébé ; nous on a essayé, à contre coeur, mais il n’en a jamais voulu, nos petits doigts ont donc rempli cet office durant de longs mois 🤦♀️.
C’est précisément pour toutes ces raisons qu’arrêter d’allaiter a été si dur et douloureux pour moi. J’aimais sincèrement ces moments.
Je sais avec le recul pourquoi ça n’a pas fonctionné, je comprends mes erreurs et j’essaie de ne plus m’en vouloir.
Bien sûr que je l’ai vécu comme un échec. Bien sûr que couper ce lien avec mon bébé a été dur à vivre et j’aurais préféré ne pas avoir à le faire si tôt, mais j’ai fini par m’écouter, par entendre ce que mon corps et mon esprit me criaient, et j’ai décidé de ne plus allaiter.
Prendre cette décision m’a tout autant soulagée qu’elle m’a bouleversée. Mon corps était prêt, mais pas mon esprit, ni mon coeur bourré d’ocytocine. Mais au final c’était la meilleure chose à faire pour nous deux. J’ai tout donné durant 5 mois, c’est déjà ça pour mon enfant, et je pense que je peux être fière de moi.
Mon obstination a payé, j’ai pu allaiter ! Pour le reste peut-être aurais-je du ceci, peut-être aurais-je du cela, c’est comme ça, j’ai fini par l’accepter et j’avance.
Je voulais dire aux mamans qui font le choix de ne pas allaiter que c’est tout aussi respectable. On fait bien comme on le sent, comme on peut et on se fout des autres. Allaiter n’est pas la seule option et c’est tant mieux. On a le choix en 2020, alors profitons en, ne nous critiquons pas, soyons bienveillantes et tolérantes. Ce qui compte c’est d’être sereine et en phase avec ses choix.
Quant aux futures mamans qui souhaitent allaiter, foncez c’est merveilleux 😁.
J’ai parlé de mon vécu chaotique, mais pour rien au monde je n’aurais voulu passer à côté de cette expérience incroyable.
Surtout ne vous découragez pas, surtout ne fantasmez pas trop votre allaitement et surtout n’écoutez que vous !!
Malgré toutes les difficultés dont je viens de vous faire le récit, je ne regrette pas d’avoir allaité mon bébé. Ce n’était pas assez long à mon goût, j’avais prévu au moins 6 mois, voire un an dans l’idéal. Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais, c’était bien plus dur que ça n’aurait du, j’en ai littéralement bavé, mais je le referais sans hésiter.
Oui c’était difficile, mais il n’y avait pas que ça. Il y avait des instants très tendres, très complices, très forts. Vivre ces moments avec mon bébé c’était magnifique.
Au vu de tout ce qui s’est passé je ne peux pas dire que j’ai adoré l’allaitement, mais il a fortement contribué à faire de moi la mère que je suis, et j’ai adoré allaiter mon fils !
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