Mon allaitement [2/3]

Les balbutiements d'un allaitement : après les fantasmes, la réalité

Publié il y a 4 ans

L’allaitement est un sujet qui me tient tout autant à coeur qu’il fut douloureux à vivre.

Je peux l’appeler comme je veux, mon parcours du combattant, mon chemin de croix, mon fils ma bataille 😉, si je vous dis que j’ai eu un allaitement de rêve, vous y croyiez ?

À partir du moment où on utilise un vocabulaire martial, on plante le décor.

 

Durant de nombreuses semaines j’ai été en mode « guerrière » pour sauver cet allaitement, et autant vous dire que préserver l’intégrité physique de mon corps n’était pas ma priorité. Je dirai même que j’ai mis mon corps à rude épreuve, je ne l’ai pas ménagé ; c’était comme si je voulais le punir de m’avoir lâchée. Me punir moi de ne pas avoir su faire comme il faut dès le début.

 

 

Je l’ai dit dans l’article précédent (cf. Mon allaitement 1/3), il y a l’allaitement fantasmé, qu’on idéalise toutes, puis il y a la réalité.

On a toutes vu ou entendu des mamans qui racontent à quel point leur allaitement était merveilleux, qu’elles ont adoré. Autrement dit, elles te vendent le truc puissance 1000 donc t’y crois aussi, même si elles finissent par reconnaitre que les premières semaines n’ont pas toujours étaient simples. Tu comprends donc qu’il y a des complications possible.

 

Alors moi en terme de complication, de douleurs et d’enchaînement de galères je pense qu’on est pas mal.

Je sais que d’autres ont bien plus de problèmes et que le principal c’était que mon fils aille bien, mais mon allaitement de rêve n’a eu lieu que dans ma tête.

 

C’est parce que je savais que les problèmes pouvaient survenir que j’ai choisi d’être suivi par une sage-femme spécialisée dans l’allaitement dès ma grossesse. Je recommande cette option, même si cela ne peut pas tout empêcher et qu’au final rien ne s’est passé comme je le voulais. Ma sage-femme et ses conseils n’y étaient pour rien, j’ai eu l’allaitement que j’ai eu et personne n’est à blâmer. Même si je m’en veux quand même encore un peu.

 

Disons que j’avais des informations, que je savais des choses, mais ce n’était tout simplement pas suffisant. Il aurait fallu que j’anticipe les problèmes éventuels, que je maîtrise une chose que je ne connaissais pas, qui m’était totalement inconnue pour ne pas l’avoir vu pratiquée et encore moins vécue.

 

La partie rationnelle de mon cerveau me dit que bien évidemment je ne pouvais pas tout prévoir ; que je ne peux pas contrôler l’inconnu et que j’ai fait au mieux avec ce que j’avais. Oui mais l’autre partie de mon cerveau me dit que j’aurais pu faire mieux, que j’aurais du savoir, que j’aurais du mieux me renseigner et ne pas partir au combat comme une fleur !

Parce que pour moi ça a clairement été un combat, et c’est dommage parce qu’un allaitement ne devrait JAMAIS être vécu comme tel. C’est un magnifique moment de partage, de complicité, d’amour avec son bébé, et non une déclaration de guerre à son propre corps.

On peut dire que j’ai très vite déchanté dans ce domaine et que toutes les projections que j’ai pu avoir se sont bien vite envolées.

 

 

Mais revenons un peu en arrière.

Ma grossesse était sur sa fin. J’étais prête. J’avais hâte de rencontrer ce petit être qui grandissait en moi.

Et par un beau matin d’été il était enfin là, blotti tout serein au creux de mes bras. Restait plus qu’à le nourrir ce tout petit.

C’est là que l’aventure, que la grande inconnue commence, l’allaitement.

 

 

On peut dire que nos débuts n’ont pas été d’une grande fluidité.

Déjà en salle de naissance, la tétée d’accueil n’a pas été d’une évidence immédiate. Une fois posé sur moi il a cherché, il a vraiment fait de son mieux pour trouver le sein. Test réussi du « crawling » 👍 comme on dit dans le jargon (le fait que le nouveau né rampe sur le ventre de la maman pour trouver le sein, c’est impressionnant et magnifique à vivre), par contre pour téter ce fut une autre histoire.

A force d’essayer on a fini par établir la liaison, pas longtemps, mais j’étais plutôt confiante à ce moment là. Je savais que ça pouvait prendre un peu de temps.

 

Une fois dans ma chambre j’ai reçu différents conseils des professionnelles, mais c’est de ma faute, dès qu’une auxiliaire passait par là, je lui demandais son avis.

Cependant l’une d’elle m’a particulièrement choquée : elle a installé mon fils avec la délicatesse d’un enfant de 2 ans qui joue avec sa poupée, et a tenu fermement sa tête contre mon sein. Il hurlait, et j’avais envie de faire pareil. J’ai retenu mes larmes de jeune maman et j’ai changé mon bébé de position tout en le rassurant, mais j’étais sonnée par ce qui venait de se passer. En écrivant ces mots je me rends compte à quel point c’était violent, cela me donne encore envie de pleurer.

Mais ceci n’est qu’un détail parmi beaucoup trop de galères !

 

Les choses se sont améliorées au fils des jours, mais c’était difficile de savoir quoi faire puisqu’à chaque changement de service j’avais un nouveau son de cloche.

Je n’en veux pas au personnel soignant ; elles ont été géniales, bienveillantes et elles m’ont soutenue dans ma démarche, c’est juste qu’elles ne sont pas formées à l’allaitement et elles font de leur mieux avec les moyens qu’elles ont.

J’ai fini par m’améliorer ; lui il a fini par piger le truc aussi et il a repris suffisamment de poids (5g) pour qu’on sorte au bout des 3 jours règlementaires (bien trop court, mais ça c’est pour un autre article 😉).

 

Entre temps j’avais eu ma montée de lait, de façon totalement indolore, à tel point que je doutais même qu’elle ait eu lieu. Comme quoi cela ne fait pas forcément mal, on est toute différente donc ne pas généraliser les expériences.

J’étais plutôt contente de moi, pas de crevasses, quelques petites douleurs de pincement mais juste le temps que le cuir se tanne comme on dit.

 

Il s’est fait retiré un frein de langue le jour de sa sortie de la mater, donc c’était de bon augure pour la suite.

 

J’avoue que j’angoissais quand même à l’idée qu’il n’ait pas assez et cette fichue épreuve de la pesée. [Petit aparté, je l’ai redoutée à chaque fois, durant de longs, de très longs mois. Je la vivais comme un examen de passage : si jamais j’échouais je craignais qu’on me dise que j’étais une mauvaise mère et qu’on ne me retire mon fils. Oui à ce point. Je crois que j’ai cessé d’avoir cette peur quand il a eu… ah non en fait je l’ai toujours, dans une moindre mesure mais elle est bien là, toujours présente au fond de moi]. Je sentais que toute la responsabilité de sa vie était sur mes épaules, encore, comme si 9 mois ça ne suffisait pas !

 

J’ai vécu cet allaitement comme une pression supplémentaire, venant de ma propre responsabilité face à cette petite vie.

Je ne m’attendais pas à ça clairement. J’imaginais le bonheur, la complicité, les douleurs, la fatigue, mais pas cette angoisse de manquer, de ne pas lui donner assez, d’être la cause d’un mauvais développement pour lui. Je n’étais pas prête à autant de peurs je crois, et de culpabilité. Mes craintes se sont très vite révélées justifiées 😞.

 

En rentrant de la mater tout allait bien, et puis j’ai fait une erreur et tout s’est enchainé.

 

 

Le lendemain de notre retour à la maison j’ai voulu tirer mon lait pour voir, et peut-être lui donner un biberon la nuit histoire de me soulager un peu.

Grand bien m’a pris ! À partir de cet instant mon allaitement n’a plus jamais fonctionné correctement.

 

En effet, ce que je ne savais pas c’est qu’il vaut mieux éviter de tirer son lait avant au moins un mois, le temps que l’allaitement se mette bien en place, et donc pas de biberon non plus au risque de faire une confusion sein/tétine.

Il a bu ce petit biberon, oui mais voilà après il n’a plus voulu de mes seins durant de très longues heures alors qu’il avait clairement faim. L’angoisse +++.

 

Il a fini par retéter, mais avec des bouts de sein en silicone.

J’ai trouvé ce procédé miraculeux sur le coup et j’ai continué à les utiliser durant quelques jours le temps qu’il retrouve le chemin tout seul.

Mais là encore, je ne savais pas que les bouts de sein, chez certaines femmes, peuvent faire chuter la production de lait puisque le bébé tête moins bien, il demande donc moins de lait et la fabrique diminue sa production.

C’est la loi de l’offre et de la demande ; plus le bébé demande souvent, plus le corps s’adapte pour répondre à ce besoin et donc produire en quantité suffisante.

Le problème c’est que je ne me suis pas rendue compte qu’il tétait moins bien, et quand on a fait la pesée d’une semaine il avait reperdu du poids, beaucoup trop.

 

Branle bas de combat, direction les urgences pédiatriques et hospitalisation en néonat comme je l’ai raconté dans mon article dédié (cf. Notre expérience de la néonat).

 

Quand au bout de quelques heures on nous dit que la cause est un manque de lait, là c’est la massue sur mon corps tout entier parce que c’est de moi que vient le problème et non de lui. Lui il va bien, il n’est pas malade, c’est juste moi et mon stupide corps qui ne lui donnons pas assez à manger.

Je n’ai pas tout de suite eu le temps de m’en vouloir parce qu’après avoir versé quelques larmes il a fallu se remonter les manches, ou plutôt les seins et refaire du lait.

Il fallait relancer la machine ou bien renoncer et donner du lait artificiel. C’est alors que mon combat a commencé.

 

Pour beaucoup ça n’aurait pas posé de problème, elles auraient donné un biberon et le tour était joué, mais pas pour moi. Dès cet instant je me suis mise en mode guerrière et je n’ai plus rien lâché jusqu’à ce que ça marche !

Oui mais c’était sans compter les crevasses (les vraies, du genre Grand Canyon 😱), l’hyper sensibilité de mes seins, les infections et la fatigue qui s’accumulait.

 

 

Parlons d’abord des douleurs physiques.

Mes seins étaient sur sollicités. J’avais les tétons en feu les premièress semaines, et je ne supportais rien sur ma poitrine. Pas très pratique pour sortir se promener ou faire une petite course 😉. À ce propos, je déconseille les rayons froids des supermarchés durant ces périodes, VRAIMENT n’y allez pas 🙅‍♀️!

J’avais beau mettre des coussinets d’allaitement, ce n’était pas suffisant, rien ne soulageait la sensation de brûlure. Et au final l’un de mes seins y a carrément laissé un bout de téton. Plus moyen de lui donner ce sein, infection, pas de cicatrisation possible parce qu’il fallait que je le vide au tire lait, bref le cercle vicieux.

Jusqu’à ce que que ma sage-femme me conseille des coquillages d’allaitement, que je connaissais grâce à une vidéo de Coline. A ma connaissance ils ne se vendent qu'en ligne, il y a différentes marques, notamment Baby Shell® (regardez aussi sur Vinted 😉). Ces trucs sont géniaux ! On peut mettre de la crème ou du lait maternel ou de l’huile de coco sur le téton, on les positionne dessus et on referme le soutif, plus rien ne frotte. Ces choses ont sauvé mes seins 🙏.

 

 

La douleur psychologique était aussi présente.

Lorsque mon fils a été admis en néonat au bout d’une semaine de vie, mon corps et mon esprit se sont murés dans un seul objectif, faire remonter cette courbe de poids, et pour cela il fallait que je relance ma lactation.

Mais ce qui c’est joué en coulisse, c’est la perte de confiance en moi, une rancoeur sourde a alors commencé à naître.

Non seulement ma lactation était défaillante, mais c’était moi toute entière qui était défaillante en tant que mère. Je vivais comme un échec impardonnable le fait de ne pas réussir à nourrir correctement mon bébé. C’était une faiblesse que je ne pouvais accepter.

 

J’ai tiré mon lait durant des heures et des heures chaque jour pendant des semaines. Je n’en avais pas vraiment conscience mais mon langage corporel parlait pour moi.

Avec le recul j’ai compris que je faisais payer à mon corps sa faiblesse. Pour cela durant longtemps je refusais de m’asseoir pour tirer mon lait, et rester 45 minutes debout toutes les 2 heures à pomper ses seins c’est vite éprouvant.

Jusqu’au jour où, n’en pouvant plus épuisée à 3h du matin sur ma machine, j’ai pris un tabouret. C’était un début de réconciliation avec moi-même 🙂.

J’ai fini par accepter que mon chéri m’installe un petit espace un peu plus confortable et j’ai décidé de voir ces moments comme des temps pour moi, pour regarder une série sur mon téléphone ou rattraper mon retard de podcast 😊. Il fallait que je transforme cette contrainte en quelque chose de positif, surtout seule la nuit.

 

 

Au delà de ces souffrances que je m’imposais, il y avait le regard et les commentaires des autres, de ceux qui ne comprennent pas, et qui font mal parce qu’ils sont dits par des proches censés nous soutenir.

 

Je viens d’une famille où on n’allaite pas. Ma mère, mes tantes, mes grands-mères n’ont pas allaité, c’est pas dans nos moeurs. Je crois que personne n’a compris pourquoi je m’entêtais dans cette voie. J’ai donc eu des commentaires durs qui m’ont blessée au moment où j’avais le plus besoin de bienveillance, de soutien, d’aide tout simplement.

 

Durant le mois qui a suivi la naissance de mon fils, j’ai du gérer à la fois les tétées, l’absence de sommeil, les coliques, les pleurs de décharge, les nombreuses session de tirage de lait, l’intendance de la maison et les visites quasi quotidiennes de nos proches.

Bien sûr le papa était là et faisait sa part, mais la pression était réellement sur moi.

On m’a ainsi reproché de ne pas savoir recevoir les gens comme il faut parce que j’étais distante, froide et que je n’offrais rien à manger à mes hôtes. Avec le recul je me demande comment on peut reprocher ça à une jeune maman ? Comment oser le formuler et s’étonner qu’avec tout ce qu’elle est en train de vivre elle n’ait ni l’énergie ni même la pensée pour tout ce qui n’est pas son bébé ?

Et pourtant on reproche encore trop souvent, si ce n’est systématiquement, aux jeunes mamans de ne pas être telle que la société l’exige.

 

 

Les galères ne se sont pas arrêtées là pour autant, mais pour cela suite au prochain épisode… 😉