Bon, sujet pas très facile à aborder pour moi, qui, un an tout juste après est toujours sensible, voire douloureux.
Alors je sais qu’objectivement il n’y a pas de raison, mon bébé va bien, et même à l’époque il allait bien aussi, juste une précaution prise par les médecins pour s’assurer que notre fils remonte bien sa courbe de poids. Mais je crois que ce passage de 3 jours dans ce super service plein de bienveillance et d’écoute m’a marquée au delà de ce que je croyais, en positif comme en négatif.
La néonatalogie est un monde à part dans une maternité. Un secteur que l’on redoute en tant que futurs parents puisque les bébés qui y sont hospitalisés viennent tout juste de naître. Alors quand on arrive au terme, que l’accouchement se passe bien et que le bébé est en bonne santé, on se dit qu’on a échappé à la « néonat » ! Mais il peut arriver dans certains cas, comme nous, que même une fois rentré à la maison, on doive retourner faire un petit séjour à l’hôpital des tout petits.
Je me souviens de tout très clairement.
Cette journée avait commencé comme les autres depuis la naissance de notre fils 10 jours plus tôt. Nous avions un rendez-vous de contrôle prévu cet après-midi là avec notre médecin traitant pour vérifier, une semaine après le retour à la maison, que notre bébé allait bien. Le premier mois les rendez-vous sont nombreux, j’ignorais à quel point, et la suite des événements n’allait pas arranger les choses. Lorsqu’est venu le moment de la pesée de notre petit plumeau, le médecin nous annonce un poids incompréhensible pour nous, 3,3 kg. Mon cerveau a bugué à ce moment là puisque notre fils pesait à la naissance 3,6 kg. Là on a compris qu’il y avait un problème, le docteur (remplaçant) aussi, à tel point qu’il a demandé avis aux urgences pédiatriques de notre ville. Sur leur conseil à tous, nous sommes directement partis là bas.
Je conduisais, mon fils dans son cosy à côté de moi semblait comprendre que ce n’était pas normal ; il pleurait, moi aussi et mon conjoint tentait tant bien que mal de rassurer tout le monde. J’étais trop inquiète et concentrée pour entendre quoi que ce soit. Une fois arrivé, j’ai déposé tout ce petit monde devant l’entrée pour aller me garer plus loin. J’ai couru les rejoindre, mon chéri avait juste eu le temps de faire l’admission à l’accueil et déjà on nous appelait. Un bébé de cet âge on ne le fait pas attendre visiblement.
Tout de suite des infirmières nous ont pris en charge, ont ausculté notre fils et fait le bilan avec nous. La détresse devait se lire dans mes yeux puisque souvent elles tentaient de me rassurer, de rassurer notre bébé qui pleurait sur la table d’examen froide. C’était irréel pour moi, tout ça n’avait pas de sens, pas de logique.
Les premiers examens étaient bons. Il ne semblait pas malade, il avait juste perdu du poids. Nous avons attendu ce qui m’a semblé une éternité dans une autre salle qu’un pédiatre vienne examiner notre bébé et répondre à nos questions. Lui non plus ne savait pas ce qu’il avait et par précaution il a décidé de l’hospitaliser en néonat. Les bébés de moins d’un mois reçoivent un traitement différent, on ne les mélange pas avec les plus grands qui eux sont en pédiatrie.
À partir de cet instant mon cerveau a cessé de fonctionner, mon coeur était serré, mon corps était en pilotage automatique. Je suivais le mouvement, incapable de réfléchir ou de poser la moindre question. J’étais en train de comprendre que le problème venait de moi puisque je l’allaitais exclusivement, et donc l’hypothèse la plus probable était qu’il ne prenait tout simplement pas assez de lait lors des tétées. D’où le fait qu’il soit H24 à mes seins, qu’il soit si agité (en plus du pic de croissance que je ne connaissais pas à l’époque) et qu’il ait perdu autant de poids. Je ne m’étendrai pas sur les raisons de notre arrivée dans le service, ce n’est pas le sujet ici, je précise juste ceci pour qu’on comprenne l’état d’esprit dans lequel j’étais : la culpabilité extrême et l’angoisse.
Le personnel qui nous a accueilli a été d’une douceur et d’une gentillesse incroyable. Vraiment je retiens de ce moment beaucoup de désarroi de notre part, mais beaucoup de réconfort et de bienveillance de la part des puéricultrices, auxiliaires, internes et pédiatres.
Me sentant responsable de tout ça, j’ai fini par fondre en larme lors de notre arrivée dans la chambre réservée aux parents. Notre bébé n’avait pas besoin de matériel ni de piqure, ni rien, ils ont donc décidé de nous laisser tous les 3 dans cette chambre qui ressemblait à une chambre de maternité, mais avec un lit en plus pour que les deux parents puissent rester. Avec le recul je vois à quel point c’était positif qu’il soit dans cette chambre avec nous, mais sur le moment je ne voyais rien d’autre que l’inquiétude.
Nous avons du attendre quelques minutes que la chambre soit prête à nous accueillir et nous étions donc dans le salon des familles où un couple était en train de manger. Ils nous ont parlé, mais je ne me souviens de rien d’autre que mon angoisse, ma peine de voir mon bébé atterrir ici par ma faute. Ces pauvres parents avaient leur bébé hospitalisé ici, cela signifiait qu’il y avait un problème et je n’ai même pas pris la peine de leur demander, de ne serait-ce que leur adresser un sourire compatissant. Je ne quittais pas des yeux mon tout petit, et par la suite je n’ai quasiment jamais quitté cette chambre. Je ne pouvais pas sortir alors que lui devait rester dans cette chambre. En fait je ne sais pas s’il ne pouvait pas sortir du tout, personne ne nous a rien dit à ce sujet et sur le coup ça ne m’a même pas traversé l’esprit de demander. Il faut dire que durant les 3 jours qui ont suivi je n’ai pas chômé, j’avais de quoi m’occuper parce qu’il fallait que je relance ma lactation.
On a vite compris que le problème était bel et bien son apport insuffisant de lait, donc que mon corps avait merdé à un moment donné (et nous savions très précisément où et quand, j’en parlerai dans un prochain article sur l’allaitement).
Bon ça c’est ma version, parce qu’à aucun moment le personnel m’a fait la moindre remarque, ni même n’a remis en cause mon allaitement. Bien au contraire, et cela m’a beaucoup surprise, tout de suite tout le monde a fait en sorte que ma lactation reprenne. Aucune (nous n’avons eu à faire qu’à des femmes) ne m’a parlé d’arrêter l’allaitement et de passer au biberon (même si nous avons du le faire quelques jours histoire de compléter les tétées), jamais ça n’a été évoqué, comme si pour elles c’était évident et qu’il fallait tout faire pour que ça marche. Je ne les en remercierai jamais assez. Toutes ont été super !
Chacune à leur manière elles m’ont aidée, soutenue, réconfortée, et tellement appris. Je n’en revenais pas de voir le temps qu’elles nous consacraient à chaque fois qu’on les appelait. Comme si il n’y avait eu que nous dans le service. Je me sentais perdue et nullissime de ne pas réussir à bien nourrir mon fils, mais en même temps je me sentais rassurée dans ce lieu. Les couloirs étaient colorés, il y avait de la vie et de la joie dans ce service malgré la peur et la détresse des parents. La générosité de ces femmes qui se consacrent au bien être de nos petits bébés m’a totalement bouleversée.
J’ai pris toute la mesure de l’importance de leur travail lorsqu’une nuit l’une de mes puéricultrice préférée est venue dans notre chambre suite à notre appel avec, dans ses bras tout contre elle, un tout tout petit bébé. Elles nous a présenté cette merveilleuse petite fille qui ne devait pas peser plus de 2 kg, qui avait des fils et des cathéters partout sur elle, et qui se promenait tranquillement en portage avec la puéricultrice. Cette vision de ce bébé si minuscule, si fragile, m’a fait réaliser que le notre allait bien en fait, que ce n’était « qu’un » problème de poids et qu’avec tous mes efforts jetés dans la bataille contre mon propre corps, il allait reprendre du poil de la bête et remonter sa courbe. Ce bébé m’a fait peur bien sûr, un préma de ce gabarit ça fait peur clairement, mais elle semblait si paisible, si tranquille ainsi lovée que cela m’a redonné espoir en l’humanité. Tant que des personnes comme cette puéricultrice seront là, le monde ne sera pas si mauvais.
Et cela m’a marquée au plus profond de moi je pense puisque depuis ce moment j’ai envie et besoin de donner à mon tour. Rendre la bienveillance et l’écoute que j’ai reçu durant cette hospitalisation de notre fils. Rendre l’amour et le soutien qu’elles nous ont prodigué afin que je ne perde pas courage. Rendre la confiance qu’elles ont eu en moi, mais surtout en notre fils qui, au terme des 3 jours n’avait pas repris de poids. Mais la pédiatre nous a dit cette chose fabuleuse et que je distribue comme des bonbons auprès des jeunes parents inquiets : « nous avons confiance en votre bébé ». Elle savait qu’il avait juste besoin d’un peu de temps et moi d’encouragement pour remonter la pente. Nous sommes donc sortis l’esprit étrangement serein, soulagés, en sachant qu’un suivi était mis en place avec la PMI de notre secteur, et surtout que les professionnels faisaient confiance à notre bébé, qui n’avait pas encore 2 semaines.
J’avais lu et entendu ces mots avant, mais là j’ai compris ce que ça voulait vraiment dire. L’équipe était si tranquille, si confiante, si rassurante, qu’on ne pouvait pas ne pas l’être. Et la suite leur a donné raison, puisque le lendemain lors de la pesée à domicile notre fils avait repris 40g et 4 jours plus tard il était revenu à son poids de naissance, ouf !
Et depuis notre fils grandit tout à fait « normalement », dans les courbes, et ça pour moi qui aime tout contrôler, tout comprendre, c’est très très rassurant 😌. Je sais qu’une courbe de poids ne veut pas dire grand chose, mais au vu de notre historique c’est devenu pour moi une étape tout aussi flippante que rassurante. A chaque fois que la pédiatre le pèse c’est comme si mon coeur s’arrêtait durant quelques secondes, le temps de voir le résultat s’afficher sur la balance, puis repartir de plus belle en constatant que tout va bien. J’ai l’impression de passer un examen à chaque fois qu’on va chez la pédiatre à cause de la pesée. Ça laisse des traces malgré tout ce séjour en néonat. Un traumatisme pour moi, mais je l’espère aucune conséquence pour lui.
C’est dans ce service et grâce à cette hospitalisation que nous avons appris un tas de choses pour nous occuper au mieux de notre bébé : faire des pipettes de sérum phy pour déboucher le nez, différentes techniques de portage (finalement notre bébé n’aimait pas). C’est là qu’on m’a écoutée et conseillée pour la mise au sein. Mais surtout c’est là qu’on m’a appris la plus belle et la plus importante des choses, faire confiance à mon bébé !