On redoute, on attend avec impatience, on se pose mille questions, bref le départ pour la maternité et le séjour qui va suivre nous obsède chaque mois un peu plus quand on est enceinte.
Au début c’est un peu flou, on sait qu’on va devoir choisir le lieu où on veut accoucher, mais si comme moi il n’y a que deux options et que votre gynécologue de ville fait toutes les démarches pour vous, cela reste flou encore plus longtemps. J’ai opté pour la maternité la plus proche de chez moi, mais qui s’avérait être la seule publique et surtout de niveau III, donc le top de ce qui se fait en matière de maternité conventionnelle. En plus de cela le pôle mère-enfant de ce CHU a une excellente réputation, j’avoue que pour moi la question ne se posait même pas, c’était évident que j’allais accoucher là bas. En tout cas au tout début, parce qu’en me renseignant un peu, j’ai découvert qu’il existait des maisons de naissance comme je l’ai dit dans d’autres articles (cf. Projet de naissance/de post-partum et Comment choisir sa sage-femme). Au nombre de 9 sur tout le territoire national, autant dire rien du tout, je n’avais donc pas la possibilité d’y mettre au monde mon bébé. Mais sincèrement il en faut plus, partout, qu’on puisse toute y avoir accès, si on le souhaite et si notre état de santé nous le permet puisqu’il faut remplir certaines conditions pour y être admise. Mais ceci est un autre débat.
Pour un accouchement serein, il faut certes que nos affaires soient prêtes, que le bébé soit prêt, mais il faut que la maman le soit aussi, or à 8 mois de grossesse je n’étais clairement pas prête. Quand le médecin m’a dit que j’étais dilatée à 3 cm j’ai oscillé entre panique et joie. La panique, parce que pas du tout prête, dans tous les sens du terme, et joie parce que c’était déjà 3 cm de fait sur le travail futur. A cet instant je me suis mise en mode future maman et j’ai fait tout ce que j’avais à faire d’urgent, à savoir ma valise, finir la chambre pour le bébé, même si on savait qu’il ne l’utiliserait pas avant plusieurs mois, cododo oblige. Mais au-delà de ça, il fallait que je sois prête moi, et c’était loin d’être le cas. J’avais beau avoir détesté le premier trimestre, la suite de ma grossesse c’était très bien déroulée et devoir quitter cet état de grâce m’apparaissait soudain comme douloureux. J’ai aimé être enceinte, et ce n’était pas gagné pourtant, mais accoucher signifiait perdre quelque chose pour moi. Je savais que je perdrai ma sérénité, mon quotidien calme et sûre, ma vie telle que je l’aimais avec mon chéri. Mais plus encore je me disais que j’allais perdre ce lien si fort avec mon bébé. C’est un lien privilégié qui unit un foetus à sa mère ; on est la seule à le sentir bouger, à sentir quand il a le hoquet (un hoquet in utero c’est trop bizarre), à le sentir réagir à certaines musiques, à certains goûts, à certaines voix. Ça doit être terriblement frustrant pour le conjoint de ne pas pouvoir vivre tout ça, je m’estime chanceuse d’être une femme et d’avoir pu vivre cette merveilleuse expérience. Alors devoir y renoncer ce n’était pas facile. Bien sûr on sait toutes qu’au bout de 9 mois, quoi qu’il arrive on va devoir le faire sortir, mais on se prépare à une date pour ça, or quand le gynéco t’annonce que ça sera sûrement avant, bah tu flippes, un peu, beaucoup, passionnément surtout ! Moi en tout cas je n’étais pas prête, alors j’ai fait un marché avec mon fils et ça a bien fonctionné.
C’est étonnant comme à un moment la bascule s’est opérée et j’ai senti que c’était le bon moment, là ça y était, j’étais prête ! Je pense que les canicules y sont pour beaucoup, je n’en pouvais plus avec mon gros ventre, mes jambes pleines d’eau et ce magnifique soleil dont je ne pouvais pas profiter, il fallait qu’il sorte ! Et puis le terme initial approchait, depuis le début c’était ma limite, je savais qu’au delà il y aurait un déclenchement et ça c’était pas envisageable. Il est évident qu’aucune femme souhaite qu’on déclenche son accouchement, mais dans mon cas je voulais un accouchement naturel, donc le déclenchement c’était l’exact opposé, autant dire que ce n’était pas possible ! Heureusement mon bébé a tenu sa part du marché, il est né la nuit de la fin de la canicule, à une semaine du terme, timing parfait.
Cela peut sembler farfelu, mais j’ai bel et bien passé un marché avec mon bébé avant sa naissance et je pense que ça a vraiment joué un rôle. Au delà de l’aspect amusant, ce n’est pas qu’anecdotique, il y avait une véritable communication entre nous, une osmose réelle et je pense que c’est dû au fait que je parlais tout le temps à mon bébé. Je ne parlais pas à mon ventre, mais bien à mon enfant, et ça fait une différence, d’ailleurs tous les scientifiques le disent, il faut parler à son bébé, dès la grossesse, c’est important. Le foetus entend et ressent tout, il faut donc communiquer avec lui, le préparer à ce qui l’attend, c’est la moindre des choses vu le monde dans lequel nos enfants naissent maintenant. On leur doit bien quelques explications, voire des excuses pour ce beau bordel. En tout cas je lui parlais énormément et je sais que cette relation perdure encore aujourd’hui. Avant d’accoucher je craignais de la perdre, mais elle n’a fait que se renforcer. Depuis le jour où j’ai appris que j’étais enceinte je n’ai cessé de lui parler, je n’ai donc plus jamais été vraiment seule depuis cet incroyable jour de décembre.
Si une grossesse dure 9 mois ce n’est pas par hasard, il faut le temps que le bébé se développe et soit prêt physiquement, mais il faut aussi que la maman soit prête. 9 mois c’est le temps qu’il faut pour donner naissance à un enfant et à une mère. Il peut arriver qu’on repense à cette période avec nostalgie, c’est normal ; il faut parfois en plus faire le deuil d’une grossesse inachevée, d’un accouchement traumatisant, d’une seconde grossesse qui ne viendra jamais, ou de la petite fille tant désirée qu’on n’aura pas, mais l’important est de ne pas refouler ses émotions, d’accueillir sa tristesse, sa mélancolie avec bienveillance et se dire qu’on a le droit de ressentir ça et que ça passera. Il faut pouvoir l’exprimer, et être soutenue quand on sent que ça va être douloureux à digérer. Mais tout finit toujours par passer, ce qui compte c’est de ne pas rester seule avec ça. C’est le baby blues pour certaines, la dépression post-partum pour d’autre, quoi qu’il en soit on le ressent toutes, à des degrés différents bien sûr, chacune vit sa matrescence à sa façon. Tâchons d’être toutes bienveillantes et soutenantes entre nous, sans jugement, sans remise en question, juste soutenons nous parce qu’on vit la même chose au fond.