Congé, voici un mot qui évoque les vacances, le repos, la tranquillité, on se dit que ça doit être un moment agréable pour se ressourcer et prendre du temps pour soi.
Pourquoi diable avoir associé les termes « congé » et « maternité » ? Sérieusement, celui (oui parce que cela ne peut être qu’un homme qui a fait ça) qui s’est dit tient ça sera sympa de les mettre en « congé » maternité avait soit un sens de l'humour très particulier, soit aucune notion de la réalité, parce que très clairement une femme qui vient d’accoucher est tout sauf en CONGÉ !!
Je crois que je n’ai jamais été autant occupée, autant stressée ou débordée que lorsque j’étais en « congé maternité ». Mon quotidien était un chaos permanent, une angoisse de chaque instant à l’idée de mal faire ou que mon fils cesse de respirer. Je n’avais littéralement le temps de rien, à part l’allaiter et le changer et le faire dormir (sur moi).
Je n’avais pas souvent l’occasion de manger, puisque la seule façon pour lui de dormir c’était allongé sur moi, autant dire qu’une fois dans cette position je n’en bougeais plus.
Je n’avais pas le loisir de me doucher régulièrement (oui à ce stade en post-partum se doucher est devenu un loisir 😱) ni même de me brosser les dents certains jours 🤦♀️. Aller aux toilettes, ce besoin fondamental pour tout être humain, m’était quasiment refusé.
Ranger ou nettoyer ma maison, faire la vaisselle ou m’occuper du linge était devenu des obsessions puisque nous recevions souvent de la visite. Grosse erreur de ma part que d’avoir accepté toutes ces visites le premier mois. Je me suis alors retrouvée à devoir gérer l’intendance de la maison, mes besoins personnels primaires et une petite vie plus précieuse que la mienne.
Welcome in my life de maman en congé maternité 😁.
Prenons dans l’ordre à partir du moment où mon chéri a repris le travail, un mois après la naissance de notre fils. Là-dessus je suis chanceuse je le sais, je milite pour que cela devienne la norme partout et pour tous les 2e parents.
Du jour au lendemain je me suis retrouvée à devoir tout gérer seule la journée. La peur m’a alors submergée. Me retrouver seule face à ce petit être de 4kg totalement dépendant de moi m’impressionnait beaucoup.
Je pensais ne pas être à la hauteur, ne pas y arriver, ne pas savoir faire. J’étais en stress maximal du moment où mon chéri partait le matin et jusqu’à son retour le soir. Je n’avais qu’une hâte, qu’il rentre et prenne le relais. Tout décider seule me fichait la trouille. Et je n’aurais pas cru qu’il y ait autant de décisions à prendre en une journée !
Pourtant objectivement je savais faire, et même au fil des jours j’ai vu à quel point je m’en sortais plutôt bien, comment je prenais de l’assurance. Mais rien à faire une angoisse sourde guettait au fond de moi et revenait régulièrement se rappeler à mon bon souvenir.
Les journées commençaient tôt, très tôt, vers 5h du matin pour la dernière tétée de la nuit. Je ne me recouchais pas après, j’avais trop de choses à faire, comme la vaisselle et tirer mon lait, qui me prenait un temps fou 🤦♀️, si vous avez lu mes articles sur le sujet vous savez pourquoi (cf. Mon allaitement 1, 2, 3).
Ensuite mon fils se réveillait pour démarrer sa journée vers 7h et cela ne s’arrêtait plus jusqu’au soir. J’enchainais les tétées et les tirages de lait, avec lui à mes côtés dans son couffin. Je tentais tant bien que mal de l’endormir, mais cela fonctionnait rarement. Je le prenais sur moi et on s’installait plus ou moins confortablement pour une petite sieste sur maman.
Les 5 premiers mois j’ai l’impression de les avoir passé scotchée à mon tire lait et/ou affalée dans mon canapé avec mon plumeau endormi sur moi ou dans mes bras. Si seulement il avait bien voulu être en écharpe, j’aurais pu faire autre chose, mais que nenni 😢.
Au fil des semaines il a fallu inclure d’autres éléments dans notre routine, puisqu’à un mois sa pédiatre a détecté une plagiocéphalie qu’il a fallu corriger par des séances de kiné toutes les semaines durant 5 mois, et plein d’exercices à faire à la maison.
J’ai donc commencé à jouer avec mon fils sur son tapis, à diversifier nos activités avec des petites sorties, mais toujours sans prendre le moindre temps pour moi, rarement sustentée et peu douchée, j’avais toutefois réussi à réintégrer le brossage des dents matinal 😉.
Il n’a dormi seul dans son lit en journée que vers ses 5/6 mois, autant dire qu’à ce moment j’ai retrouvé le plein usage de mes mouvements 👍!
Avant cela mon corps ne m’appartenait plus, ce qui allait de pair avec l’allaitement. Je me suis perdue quelque part en chemin, je n’étais plus maîtresse de mon corps.
Je n’étais plus la femme libre et indépendante d’avant, et c’est ça qui a été le plus dur à accepter pour moi. Cette personne me manquait. Malgré tout l’amour que je portais à mon bébé, une partie de moi, celle que j’avais toujours connu, me manquait. Je ne me reconnaissais plus.
La femme active avait cédé la place à la mère au foyer, et cela ne me ressemblait pas du tout. Ce n’était pas moi et ce n’était pas ce que je voulais surtout. J’admire profondément les femmes qui font ce choix et qui s’y épanouissent, mais ce n’était pas mon cas. C’est un vrai travail à plein temps, qui doit être considéré en tant que tel et valorisé dans notre société ! Cependant ce n’est pas fait pour moi, ce n’est pas quelque chose qui me rend heureuse tout simplement.
N’étant pas pleinement épanouie par mon nouveau job de maman, je me sentais coupable vis-à-vis de mon bébé. J’aurais du être à l’aise avec lui, j’aurais du me détendre et profiter, au lieu de ça j’étais sur le qui vive, j’angoissais à l’idée qu’il lui arrive quelque chose, que ce soit de ma faute, que l’on me reproche d’avoir mal fait.
Le quotidien était rythmé par les tétées, par les changes, par les lessives qui s’accumulaient beaucoup trop vite, par la vaisselle qui s’entassait, par le ménage qui ne se faisait pas, par le sport que je n’arrivais pas à reprendre.
Tout s’amoncelait dans mon cerveau jusqu’à en étouffer. Je ne dormais plus, c’était devenu inutile puisque mon fils se réveillait toutes les 3h pour téter. Autant ne pas dormir, c’était moins douloureux pour moi que de devoir m’extirper de mon sommeil pour lui donner le sein et ensuite réussir à le rendormir (ce qui nous prenait beaucoup, beaucoup de temps).
La charge mentale, j’en ai déjà parlé dans d’autres articles, mais elle était omniprésente. Partout autour de moi je voyais tout ce que je devais faire et le temps qui me manquait pour le faire. C’était devenu oppressant à force de ne pas trouver d’issue.
Et cette culpabilité de ne pas avoir le temps de faire le ménage ou du rangement ou juste à manger !
Ce sentiment de ne servir à rien d’autre qu’à changer et nourrir son nouveau né, ce qui est déjà énorme mais au moment je ne le voyais pas ainsi.
Cette impression désagréable de ne plus être une femme à part entière, mais une mère, une femme au foyer, une intendante…d’avoir toujours le sentiment que j'aurais quand même pu me bouger un peu plus, que je n’ai que ça à faire parce que je passe mes journées à la maison avec un bébé certes, mais faut pas pousser, c’est juste un nourrisson qui ne fait que dormir. Tu as donc bien le temps de faire autre chose !
Voilà ce qui met la pression. Voilà ce qu’on a d’ancré dans la tête, parce que l’imaginaire collectif, la société, nous a inculqué cette idée qu’une femme qui vient d’avoir un bébé est avant tout en CONGÉ 😤😡🤬.
J’étais aussi très seule, isolée même puisque je ne demandais pas d’aide, je ne parlais pas vraiment de mon ressenti, sauf à mon mec. Heureusement il était et est toujours là. Il faisait sa part et s’occupait pleinement de son fils. Mais ce n’était pas assez. Non que ce soit de sa faute, c’est le fichu système qui est comme ça, qui laisse tomber les jeunes mamans quand elles en ont le plus besoin. Et pourtant je m’estime chanceuse, je n’ai pas fait de dépression, j’étais soutenue par le papa, j’étais informée surtout. Malgré tout, cela ne m’a pas empêchée de vivre mon congé comme une punition parfois, comme un trop plein d’angoisses et d’injustices.
Le système dans son ensemble est à revoir pour que les mères ne soient plus seules lorsqu’elles rentrent de la maternité.
Dans beaucoup de pays elles sont accompagnées les premières semaines ; elles ont un suivi médical et une véritable aide morale et pratique. En France le concept de doula n’est pas encore très répandu, pourtant c’est un très vieux métier, qui existait déjà au Moyen âge, mais qui s’est perdu dans nos sociétés modernes de plus en plus individualistes. On ne soutient plus les jeunes parents parce qu’on estime qu’ils doivent se débrouiller, qu’ils doivent savoir, mais comment savoir si personne ne nous apprend ? On en revient toujours là.
Et le cerveau, on en parle de l'état de mon cerveau depuis la naissance de mon fils ?
Bon je rassure les jeunes mamans, cela s'estompe au fil du temps, mais l'espèce de passoire qui nous sert de cerveau durant la grossesse, part carrémet en cacahuète après la naissance. Je ne pouvais plus penser qu'à une chose, mon bébé. Tout n'était qu'obsession pour lui, tout n'était que questionnement pour lui. Mon bon sens avait disparu, ma logique n'existait plus, je partais dans des grands délires pour comprendre le pourquoi du comment. Et encore, quand je réussissais à comprendre quelque chose 🙄. Google était devenu mon meilleur ami, j'y trouvé toute sortes de réponses, pas forcément adaptées à mon cas, mais je n'arrivais plus à me raisonner. Moi, celle qu'on appelait la voix de la raison jadis...
Et je ne parle même pas de mon rapport à mon corps. Une catastrophe !
Déjà il faut savoir que le ventre de grossesse ne disparait pas comme par magie avec la naissance. Non non non 😞. On repart de la mater comme si on était enceinte de 5/6 mois, mais avec toutefois la désagréable sensation de vide à l'intérieur. C'est très étrange.
Tout ton corps est détendu, relâché, comme si on t'avait étiré dans tous les sens, et tu saignes durant des jours et des jours. La sportive en moi était dépitée, tous ces efforts de gainage durant tant d'années pour en arriver là 😩. Certes remettre ses vêtements d'avant n'est pas une priorité à ce moment là, mais continuer à porter des fringues de grossesse alors qu'on a accouché, c'est super déprimant !
N’ayant pas l’opportunité d’aller facilement à la salle de sport, je voyais mes kilos de grossesse s’accrocher à mon ventre, à mes seins et à mes cuisses comme des sangsues.
Perso l’allaitement n’a pas du tout favorisé ma perte de poids, au contraire cela me donnait encore plus faim 🤦♀️.
Mon reflet dans le miroir était devenu pathétique, vers 6 mois j’étais au bout du rouleau : des cernes profondément ancré sous mes yeux et une énergie de mollusque. J’avais tout juste 35 ans, et clairement je comprenais que je m’étais pris un bébé dans la gueule !
Ça fait mal de réaliser que la maternité n’est pas du tout ce à quoi on aspirait.
Attention cela ne veut pas dire que c’est l’horreur, que je regrette ou que je suis malheureuse d’avoir mon petit garçon. Pas du tout !
C’est juste que l’idéalisation de mon quotidien avec mon fils a rendu la claque de la réalité encore plus violente.
Je ne regrette rien ! Même pas mon allaitement foireux, juste de ne pas avoir été prévenue avant de ce qui pouvait m’attendre.
Toutes les femmes ne vivent pas ça. Toutes les femmes ne sont pas aussi seules et angoissées que moi. Mais c’est pour en finir avec cette solitude et cette culpabilité que j’ai décidé de parler et de créer ce site.
Tout comme on ne laisse pas bébé dans un coin, on ne laisse pas maman dans un coin non plus 😉!