MEA CULPA

Chronique d'une féministe faillible

Publié il y a 3 ans

Aujourd’hui je viens parler féminisme et sexisme intégré.

 

Le sexisme intégré qu’est-ce que c’est ? C’est lorsque en tant que femme, on se met soi-même des limites à cause de notre « condition » de femme ou de personne s’identifiant comme tel. C’est lorsqu’on tient des propos sexistes et que cela nous fait sourire ; qu’on critique les autres femmes parce qu’elles portent une jupe trop courte ou un décolleté trop « provocateur » (déjà qui elles provoquent ? Les hommes ? Cela sous entend aussi que tous les hommes sont en rute et qu’il suffit d’un décolleté pour qu’ils reviennent à leurs instincts primitifs, mais dans ce cas là c’est forcément la faute de la femme, elle l’a bien cherché elle n’avait qu’à pas s’habiller ainsi…). C’est très insidieux parce qu’on nous dit depuis toute petite de ne pas faire de bruit, de rester sage, assise bien droite à faire des jeux calmes, d’intérieur. Tandis que les garçons peuvent courir, crier, prendre la parole en public sans qu’on les siffle ou les interrompe. Et surtout c’est se dire que si c’est ainsi c’est normal en fait, parce que je suis une « fille », que je dois être discrète, douce, maternante et jolie. Même si j’ai grandi dans les années 90, c’était toujours sous jacent, à tel point qu’en grandissant il m’a été difficile de me m’en rendre compte et de m’en affranchir.

 

Il faut bien que je le reconnaisse, j’ai pu, pendant longtemps tenir des propos sexistes, misogynes et intolérants. Je plaide coupable.

 

 

Avant d’être mère je me voyais comme une femme féminine et féministe. Je me sentais à l’aise dans mon genre (moins dans mon corps, mais pour d’autres raisons) et j’avais des idées bien arrêtées sur à peu près tout. Quand on est une capricorne pure et dure on ne fait pas dans la demi mesure 😉.

De ce fait, il a pu m’arriver de tenir des propos qui me choqueraient aujourd’hui, non pas parce qu’ils seraient politiquement incorrect, mais parce que mon état d’esprit, ma mentalité et mes valeurs ont évolué.

 

 

Je l’ai souvent dit dans mes articles, devenir mère a fait de moi une FEMINISTE, et surtout une personne plus humble et plus tolérante.

Je ne me rendais pas compte à quel point j’étais jugeante et dure dans mes propos envers les autres femmes. A l’époque, une femme forte pour moi c’était uniquement une femme qui gérait tout, qui traversait l’adversité sans se plaindre avec courage et obstination, qui ne demandait jamais d’aide, qui pouvait se débrouiller seule tout le temps et en tout lieu.

Bon bah, heureusement que j’en suis revenue de cette idée. Bien sûr que ces femmes existent, mais j’ai surtout compris qu’il existait une infinité de type de femmes, mais que toutes, à leur façon, étaient FORTES.

 

 

J’ai beaucoup critiqué les femmes, je l’admets, pourtant je me croyais féministe et solidaire, qu’est-ce que ça aurait été si je n’avais pas eu ces prémices de considération…

J’en parle maintenant parce que je me suis rendue compte récemment que j’avais été plus soumise à l’influence patriarcale et au sexisme que je ne voulais l’admettre. J'en avais déjà pris conscience il y a plusieurs années lorsque Always avait sortie une pub pour le coup très belle et bien faite qui mettait en scène des jeunes femmes à qui on posait des questions du genre "ça court comment une fille ? ça lance comment une fille ?" Ces femmes mimaient donc leur réponse, et ensuite on posait les mêmes questions à des petites filles. Le contraste était saisissant et édifiant. Les femmes se mettaient en posture d'infériorité, de truc mollasse et fragile, tandis que les enfants étaient à fond dans leur geste, elles y mettaient de la force et de l'énergie. Bref, pour elles il n'y avait aucune différence entre "comme une fille" et "comme un garçon". Certes c'était une pub, c'était scénarisé et fictif, mais moi ça m'a interpelée parce que je me suis demandée ce que j'aurais répondu. Clairement j'aurais été dans la première version, celle des femmes. Alors que ce sont les petites filles qui ont raison. Fight like a girl ! parce qu'une fille sait tout autant se battre ou courir qu'un garçon.

Je me demande aussi à quel moment se fait la bascule ? Qu'est-ce qui fait que la fille ne se voit plus l'égale du garçon ? Ça se joue à la puberté, mais pourquoi se rabaisser autant ?

Plus je vieillis, plus je m’informe, plus je m’intéresse à l’éducation, plus je vois le chemin que j’ai parcouru. Et plus cela me rend dingue de voir le monde et la société dans laquelle on vit.

 

 

Avec la maternité, ma conscience féministe s’est ouverte, elle s’est carrément révélée et je ne peux plus faire machine arrière. Je ne peux plus penser comme je l’ai fait, je ne peux plus dire ce que j’ai pu dire.

Un exemple : quand l’affaire DSK a éclaté en 2012, j’étais honnêtement dans la présomption d’innocence, voire la théorie du complot, le pauvre on a voulu le saboter à cause de l’élection présidentielle, etc. À cela est venu s’ajouter tout un tas de révélations à son sujet, et moi à ce moment là je n’ai rien trouvé de mieux à dire « comme par hasard c’est maintenant qu’elle parle. C’est louche, c’est suspect, elle n’aurait pas pu le faire plus tôt ? Je suis sûre qu’elle veut profiter de la vague médiatique pour se faire un nom… » Vous voyez le genre de discours.

Avec le recul je ne sais toujours pas si cette femme a dit la vérité ou non, mais d’emblée c’est l’homme que j’ai cru, d’emblée c’est sa parole à elle que j’ai remis en question sans chercher à comprendre.

 

Aujourd’hui je sais que parler demande un courage incroyable et donc du temps parfois. Je sais qu’il faut parfois d’abord se reconstruire intérieurement avant de pouvoir entamer une procédure judiciaire, parce qu’il faut être sacrément forte pour supporter tout ce qu’une plainte puis un procès implique.

Et puis aujourd’hui surtout, je sais que le cerveau, pour protéger la vie qu’il anime, va tout faire pour occulter des événements traumatiques. La mémoire peut ne se révéler que des décennies plus tard parce que le traumatisme était tel, que le corps n’y aurait pas survécu, en tout cas c’était un trop grand danger à ce moment là.

 

J’ai eu ces pensées là, j’ai tenu ses propos là, j’ai cru ces discours là. J’en suis désolée et heureusement ma réflexion a évolué.

Personne ne choisit d’être une victime, ne rajoutons pas à cette peine, la peine encore plus lourde de la culpabilité. Ce n’est pas de notre faute si on se fait attaquer ou violer ou agresser ou insulter ou moquer ou humilier ou harceler. La double peine n’est pas du bon côté, elle devrait être pour les criminels, pour les responsables de ces actes, non pour leurs victimes.

 

Je le comprends aujourd’hui, je lutte à mon niveau, à ma façon pour faire en sorte que plus de solidarité règne entre nous, entre femme.

La sororité est souvent raillée, mais pourquoi et par qui ? Par des hommes bien souvent qui ont peur du pouvoir que les femmes pourraient avoir si elles s’unissaient toutes. Des femmes aussi s’en moquent, mais c’est parce qu’on baigne tellement dans un monde patriarcal et sexiste, qu’on ne se rend même pas compte qu’on joue contre notre propre camps. Si tant est qu’il y ait un camps.

 

 

La mère que je suis ne veut pas que son fils vive dans un tel système.

La femme que je suis veut être libre de ses choix sans avoir à se justifier ou à culpabiliser.

La fille que je suis remercie les femmes qui l’ont élevée dans cette sensibilité féministe, mais maintenant il faut aller plus loin, il faut dire les choses et reconnaitre qu’on a encore du taf à faire, nous-même, envers notre propre sexe/genre.