Ma fausse couche

Mon deuil, mon ressenti


J’ai commencé ma maternité par une IVG, il fallait bien que je la termine par une fausse couche.

Outre la douleur physique et psychologique, ce qui me frappe le plus c’est la solitude dans laquelle ça me plonge. Il n’y a rien pour nous.

On doit continuer à bosser, à s’occuper de la maison et de son enfant comme si de rien était. The show must go on !

C’est horrible. Tu porte la vie en toi et le lendemain tu te réveille et c’est la mort que tu portes. C’est d’une longueur et d’un manque total de prise en charge.

C’est rentre chez toi et attends que ça se passe. Ou bien continue ta vie, vas au boulot et attends aussi que ça se passe.

 

Faire une fausse couche c’est pas uniquement avoir ses règles, c’est avoir mal, c’est pleurer la perte d’un enfant qu’on ne connaîtra jamais, c’est devoir continuer à sourire quand tout ce qu’on veut faire c’est hurler notre peine.

Mais rien n’est prévu, rien n’existe pour nous, rien n’est pensé en fait.

Tu peux prendre un jour de congé, encore faut-il en avoir. Tu peux être en absence sans solde, encore faut-il le pouvoir. Mais pas d’arrêt médical 100% pris en charge par la sécu ???

 

Tu perds ton bébé au boulot et ça ne pose de souci à personne en fait ! Tu viens de le perdre et tu dois y retourner quand même. Je n’ai pas de mot…

 

 

Les mots justement, ceux du co parent, ces mots qui semblent universels.

 

Les mots de mon mari je les ai entendus dans la bouche d’un autre dans la salle d’attente de mes angoisses, les mêmes pour rassurer la maman où se rassurer soi même. Mais quand on est déjà de l’autre côté de la réponse on sait que ces mots ne servent à rien, qu’ils sont faux et que la claque sera d’autant plus violente que l’espoir était grand.

Bien sûr qu’il ne peut pas dire d’autres mots, qu’il doit être rationnel et rassurant, il ne peut rien être autrement, parce que c’est pas concret pour lui, il ne ressent pas ce qui se passe dans notre corps, il ne sait pas ce qu’on sait nous.

Entendre cet homme poser les mêmes questions à sa compagne, les mêmes réponses, j’avais juste envie de lui dire d’arrêter, que c’était bidon, qu’il se voilait la face et qu’ils allaient beaucoup souffrir.

Mais qu’est-ce que j’en sais? Peut être qu’il avait raison, que pour eux ce sera différent.

Alors je n’ai rien dit. J’ai retenu mes larmes. J’ai espéré qu’ils se taisent et que tout se passe bien pour eux.

 

 

Cette salle d’attente rose où se suspendent nos rêves, le cul de sac de nos espoirs. La voie sans issue de nos illusions. Tout s’arrête ici.

Lieu où se croisent les ventres ronds et les ventres vidés. Des trajectoires opposées, des parcours différents mais les mêmes attentes, les mêmes rêves.

Une tension palpable, le même doute, la même lueur fade dans le regard qui dit que les yeux ont pleuré, que les corps ont saigné. On sait pourquoi on est là, on le lit sur les visages. Pas de mots. Juste le temps qui se suspend dans l’attente, dans le silence de nos prières viscérales. Accroché à un mince espoir que tout ceci n’est qu’une erreur, qu’on n’a rien à faire là.

 

Puis la réalité nous appelle, d’autres mots tombent, comme des sentences évidentes.

Nos retrouvailles dans la douleur, nos parcours se rejoignent dans nos larmes. Parce que la douleur a ça d’universel qu’elle rassemble les cœurs.

Les autres n’ont pas les mots, pas les bons. Ils ne savent pas. Ils ne consolent pas, ils blessent. Ils enfoncent les poignards un peu plus profondément.

Je ne leur en veux pas, la mort et la douleur mettent mal à l’aise.

On ne sait jamais quoi dire.

Parce qu’il n’y a peut-être rien à dire.

 

Rester dans le silence n’est pas la solution. Pas la mienne en tout cas. J’en parle, je le dis, mais surtout je l’écris. Pour me soulager le coeur. Pour réaliser ce qui se passe. Pour arrêter de m’en vouloir.

Je veux laisser la vie reprendre ses droits. Je veux qu’elle me submerge à nouveau, mais quand je l’aurai choisi. J’ai aussi besoin de pleurer ma douleur, de la faire sortir de mon corps. Je dois me l’accorder, prendre le temps d’aller mal pour aller mieux.

 

 

A toutes celles qui vivent une fausse couche je saigne et je pleure avec vous. Je suis l’une des vôtres, vous n’êtes pas seules. Nous ne sommes pas seules.

Je n’ose parler de perte d’un bébé, parce que ça n’en était techniquement pas encore un, mais faire une fausse couche, c'est perdre une promesse, un espoir, et pour moi c’est un bébé qui me manquera toujours.