Ceci est le dialogue imaginaire que j’aurais voulu avoir avec ma sage-femme. Tout ce que j’aurais aimé lui confier mais n’ai pas pu, par pudeur et par fierté peut-être aussi.
Alors autant je suis quelqu’un qui pleure souvent et facilement dans mon intimité, autant dès qu’il y a quelqu’un c’est fini. Mon égo reprend le dessus et fait comme s’il n’y avait aucun problème.
Ayant toujours été solide, forte, le roc sur lequel on vient s’appuyer, je n’arrive plus à montrer une facette plus vulnérable de moi.
Je ne suis pas insensible pour autant, au contraire on se tourne beaucoup vers moi pour ma sensibilité et mon empathie, mais clairement je ne fais pas part de mes émotions ou de mes problèmes aux gens qui m’entourent.
Il m’est très dur d’exprimer ce que je ressens ailleurs que devant cet écran, c’est pour ça que je veux partager ici ce que j’aurais du dire tout haut à ma sage-femme un an après notre dernier rendez-vous, il y a donc 3 confinements et une pandémie de cela 😉.
Ma maternité :
Depuis notre dernier rdv ? Que dire si ce n’est que cette première année en tant que maman fut riche, intense et bouleversante 😁.
Je suis passée par de nombreuses phases, hauts et bas. Mais pour moi le 1er confinement a été salvateur ; il m’a surement empêché de faire une dépression post-partum.
J’ai mis du temps, beaucoup de temps avant de regarder la réalité en face, mais clairement je ne suis pas passée loin de la dépression. Je sais aussi que j’ai fait un burn out maternel. Le confinement a atténué les choses et a permis que je ne reste pas seule dans une situation difficile.
Pourtant j’étais prévenue, au courant, préparée à cela. Il faut croire que non, en tout cas pas assez.
J’ai mis du temps aussi à le reconnaitre, mais j’avais peur d’être seule avec mon bébé. Peur qu’il prenne le dessus sur moi. J’entend par là, faire passer ses besoins avant les miens, ce que l’on fait de toute façon inconsciemment lorsqu’on est mère.
J’arrivais à me raisonner en me disant que c’était lui qui avait besoin de moi, et non qu’il était le dominant de notre relation. Seulement a trop vouloir bien faire, correspondre à tous les critères de la « bonne » mère, je me suis perdue et j’ai peu pris en compte les besoins réels de mon fils. Finalement je l’ai peu écouté alors que mon but était d’être à son écoute, de l’observer lui et non moi.
J’ai eu du mal à apprivoiser cette nouvelle femme que je suis devenue, à me reconnaître en tant que mère ET être humain. J’ai eu une grosse phase de remise en question, de flou total sur qui j’étais et ce que je voulais moi.
J’ai fini par comprendre que je n’étais plus la même, que c’était peut-être irrémédiable mais pour le meilleur quand même.
Je commence à me retrouver, ou disons à apprécier celle que je suis aujourd’hui. Suis-je la même ou bien une autre que je commence à bien connaître ?
C’est vrai finalement ce qu’on dit, on ne commence à réellement sortir la tête de l’eau qu’au bout de 2 ans après la naissance. J’avais eu cette info quand mon fils avait 2 ou 3 mois. Je me souviens avoir pensé que c’était long encore 22 mois comme ça. Mais d’un autre côté ça m’avait donné de l’espoir, ça m’avait un peu rassurée en me disant que c’était une étape normale du processus de matrescence. En fin de compte ça m’aura pris 20 mois pour commencer à me sentir mieux, à retrouver un début d'équilibre personnel.
Pour cela il a fallu que j’accepte de faire des choses égoïstes, d’avoir des occupations rien qu’à moi en dehors de mon fils. Il a fallu que je me force à prendre ce temps pour moi.
C’est dur aussi de se rendre compte de tout l’égoïsme dont je faisais preuve par le passé. C’est dur de regarder sa vie d’avant et de se voir réellement (intransigeante, égocentrique, solitaire, dure, bourrée de préjugés et de principes 🤦♀️…).
Durant ces 20 mois j’ai tellement appris, tellement douté, tellement repoussé mes limites physiques et mentales.
J’ai tenté d’accompagner au mieux mon bébé dans ses apprentissages, son développement moteur et cognitif. Je me suis souvent perdue en chemin, souvent pas aimée, souvent reprochée d’être en dessous de tout et de foirer son éducation.
Durant ces 20 mois, j’ai angoissé, un peu, beaucoup, énormément. Je me suis beaucoup documentée, informée sur tous les aspects de la maternité, du développement de l’enfant et de l’éducation bienveillante.
Je veux tellement faire mieux que mes parents, tellement faire mieux que les générations précédentes que je me suis mise une pression de malade. J’ai conscience aujourd’hui que c’est idiot, qu’il faut rester qui on est, que le parent parfait n’existe pas et que je pouvais seulement faire de mon mieux.
Je dois respecter celle que je suis si je veux inculquer le respect et la bienveillance à mon fils. Je dois d’abord m’aimer et m’accepter si je veux que mon fils le fasse aussi.
Accepter les changements physiques a aussi été une épreuve. Pas vraiment douloureuse mais une prise de conscience tardive de mon aspect réel.
J’ai perdu pas mal de poids sans le chercher et donc s’en m’en rendre compte. Ce n’est qu’au travers du regard des autres que j’ai constaté que ma silhouette, que mon corps avait changé.
Une fois l’étape de l’allaitement passée, j’ai pu reprendre possession de ce corps malmené depuis trop d’années.
Je voulais lui lâcher la grappe honnêtement. Je ne me suis pas mise au régime ni au sport à outrance. J’ai laissé faire et n’y ai plus pensé. Il faut dire que la charge mentale d’une jeune maman est déjà assez encombrante comme ça, sans en rajouter une couche avec son poids ou son tour de taille !
J’ai mal vécu l’arrêt de l’allaitement, mais j’ai aimé me retrouver. J’ai aimé ne plus avoir à partager mon corps, ni à le mettre à disposition pour mon fils. J’ai aimé redevenir un peu égoïste, mais je le vivais mal parce qu’une maman n’est pas censée faire ou penser ça.
Une maman est censée se dédier corps et âme à son enfant, or moi je privais mon bébé de ce que j’avais de meilleur à lui offrir, forcément la suite de notre relation ne pouvait qu’en être impacté. Je ne me pardonnais pas de le priver de ça, je ne me pardonnais pas de ressentir ce soulagement et cette délivrance. Je me ne pardonnais pas de ne pas avoir réussi à atteindre mon objectif.
J’ai fini par me pardonner, enfin je crois 🤔.
Écrire me permet d’exorciser pas mal de chose. J’ai pu déverser toute ma frustration d’un allaitement raccourci et foireux. J’ai pu déversé mon angoisse d’être une mauvaise mère, de ne pas être conforme à l’idée que je me faisais de la maternité.
Ma maternité fut une violente matrescence durant un an.
J’aime mon bébé plus que tout au monde ! Mais ce rôle de maman n’est pas ce qui me définit ni me rend le plus heureuse. Ce qui me rend heureuse c’est de le voir lui, grandir et apprendre et se développer aussi bien. Ce qui me rend heureuse ce sont nos échanges, nos fous rires, nos câlins, nos bisous, notre complicité.
Être mère n’est pas un rôle à mon sens, parce que pour moi les rôles sont au théâtre, ce sont des vies inventées, fantasmées, idéalisées. Ce sont des personnages fictifs, des masques que l’on porte quand on joue à être quelqu’un d’autre. Un rôle c’est ça : jouer à être une autre. Or être mère ce n’est clairement pas faire semblant, il ne faut pas d’ailleurs. Les bébés savent et sentent tout. Ils savent quand on se cache derrière un masque, se sont de vrais révélateurs de personnalité, des détecteurs d’imposteur. Pas étonnant qu’ils nous déstabilisent tant !
Moi en tout cas j’ai été déstabilisée. Ma matrescence a marqué ma personnalité, profondément. Plus jamais je ne verrai la vie de la même manière, ni les gens d’ailleurs.
Je suis davantage à l’écoute, bienveillante et tolérante qu’avant. Je suis différente mais pas vraiment. Je suis une mère, une femme, une professionnelle qui se cherche, une amie, une compagne.
La maternité m’a rendue meilleure professionnelle. Elle m’a rendue plus vulnérable et plus puissante. L’accouchement rend puissantes les femmes, c’est indéniable.
La suite met à mal notre confiance, nous bouleverse tellement qu’on en perd l’équilibre. Mais avec patience et amour on retrouve cette confiance. Je sais des choses, j’ai des compétences, je dois me faire confiance pour les exploiter.