Le post-partum : le changement d'identité

Comment gérer la perte d'identité et apprendre à se reconnaître dans le miroir ?


Pas facile de vivre pendant 9 mois dans un corps qui ne nous appartient plus, que tout le monde encense et/ou veut toucher.

 

Pas facile de gérer sa prise de poids quand on a l’habitude de tout contrôler ou d’avoir un corps mince.

 

Pas facile d’aimer ce corps lourd et encombrant, ces seins qui débordent de partout, ces vergetures qui zèbrent nos cuisses ou notre ventre. 

 

Mais surtout, je tiens à dire à toutes les futures mères, qu’elles se sentent épanouies ou non durant ces 9 mois, que la fin de la grossesse va marquer la fin de leur vie d’avant et de tout ce qu'elles croient savoir. En devenant mère on ne sait plus rien, même plus qui on est.

 

 

On peut le voir soit comme une fin, ou comme un début.

 

Donner naissance c’est dans tous les sens du terme ; on met au monde un nouvel être humain, mais on donne aussi naissance à une nouvelle femme, à une mère. Et quand la grossesse se termine, c’est toute une partie de notre identité qui part avec elle.

 

Appréhender cette nouvelle identité c’est tout le challenge de la maternité ; c’est ce qu’on appelle la matrescence, quand le cerveau switch sur un autre mode et qu’on ne comprend pas sur quelle fréquence on doit se régler.

 

On nous prépare à cette fin d’un point de vue technique, mais pas psychologique.

On ne sait pas que la sortie de son bébé va entrainer de facto la disparition de celle qu’on était. On n’est plus enceinte et on n’est plus la même personne qu’avant non plus. C’est ça le plus dure.

Je l’ai déjà dit dans d’autres articles, mais ce changement d’identité est violent, parce que subi et brutal. Et puis parce qu’il n’est pas expliqué en amont.

Personne ne nous en parle durant la grossesse, personne ne nous dit "attention, tu vas avoir un bébé, cela veut dire que tu ne seras plus la même, mais profondément et irrémédiablement. Tu vas devoir réapprendre à te connaître, réapprendre à vivre avec un nouveau toi, tout en apprenant à être autre chose pour ton enfant, c’est-à-dire une mère".

 

C’est vertigineux quand on y pense vraiment.

À quel autre moment de notre existence vit-on un tel bouleversement de personnalité ? Personnellement jamais, malgré les épreuves que j’ai vécu, les difficultés rencontrées, jamais pour autant je n’ai eu à refaire connaissance avec moi-même. Bon par contre j’ai du faire connaissance à un moment donné, mais depuis ce n’est qu’un apprentissage perpétuel de celle que je suis réellement. Or là il y a eu cassure entre ma moi d’avant bébé et ma moi d’aujourd’hui 20 mois après la naissance de mon fils.

 

 

J’ai mis du temps à comprendre ce qui m’arrivait.

J’ai du coup longtemps lutté contre cette matrescence et ce changement d’identité profond. J’ai commencé à en prendre conscience, sans l’accepter pour autant, à 7 mois post-partum.

Un jour on m’a demandé de répondre à la question « qui êtes vous » et là j’ai buggué parce que d’un seul coup je me suis rendue compte que ma réponse habituelle n’était plus vraie. Avant je disais que j’étais une femme forte, indépendante, curieuse et têtue (à mes yeux ce ne sont pas des défauts 😉), mais là, face à ce groupe qui attendait ma réponse j’étais perdue. Cette question m’a beaucoup angoissée, j’ai dit ouvertement que je ne savais plus qui j’étais, que j’étais devenue une maman stressée et fatiguée. Mais pour le reste je ne savais plus rien, à part que je ne me reconnaissais plus. Black out total sur ma personnalité, mes qualités mes défauts tout avait disparu sans que je ne m’en aperçoive.

 

Cet exercice fut déclencheur, mais il m’a encore fallu du temps pour l’accepter, pourtant j’écoutais des podcasts sur le sujet (La Matrescence), je lisais beaucoup sur la maternité, je n’étais pas sans information, mais je n’avais pas fait tous les liens avec ma propre situation.

Ce qui a parachevé le travail, c’est lors d’un exercice de relaxation sur le sentiment de liberté. Il fallait rester debout, respirer profondément et visualiser la dernière fois qu’on s’était sentie libre. Eh bien je vous le donne en mille 🤷‍♀️, pour moi c’était pendant ma grossesse, plus jamais depuis.

Pendant le 2e et le 3e trimestre je me sentais vraiment bien, libre, épanouie et confiante. Je n’avais jamais eu aussi confiance en moi avant ma grossesse, j’étais en phase avec moi-même.

Le post-partum a donc été une claque d’autant plus violente que j’étais dans cet état de grâce et de bien être absolu juste avant de donner la vie.

 

 

Il y a un côté paradoxale dans la naissance : on donne la vie à un autre être humain, mais on perd une partie de soi par la même occasion. C’est une forme de mort ; la mort de celle qu’on était. Finalement la mort et la vie se côtoient dès le début.

Et il faut faire ce travail de deuil après, seulement comment le faire si on ne sait pas qu’on vient de perdre quelqu’un, qu'on vient de SE perdre ? Comment savoir que tout un processus de deuil est à mettre en place quand on ne sait pas qu’on va vivre ça ? C’est là que le manque d’aide, d’accompagnement et d’information est déplorable.

 

La grossesse n’est qu’une étape, c’est après que les choses sérieuses commencent ; c’est pour après qu’on a besoin de préparation et de soutien. C’est après qu’on a besoin d’entendre qu’on est belle, qu’on est une déesse parce qu’on a donné la vie, que notre corps est incroyable…bien sûr ça fait plaisir de l’entendre pendant la grossesse, mais n’oublions pas les femmes après l’accouchement ! Ce n’est pas parce qu’on est devenue mère qu’on n’en est plus femme 😉.

 

La société nous demande d’être parfaite, performante et tout le temps dans l’action. Mais non en fait ! On ne peut pas après avoir mis au monde un enfant, être au top de sa féminité, pimpée comme si on sortait d’une séance photo sur des talons de 12 ; opérationnelle immédiatement pour changer les couches, donner le bain, préparer à manger, donner le sein ou le biberon, recevoir des visites, savoir identifier tous les pleurs en 1 seconde 30 et apporter la réponse adaptée. ON NE PEUT PAS ! En tout cas moi je ne pouvais pas.

 

 

Il faut éduquer au post-partum autant que ce qui a été fait pour la grossesse. Parce qu’encore une fois, être mère c’est peut-être naturel (déjà pas pour toutes) mais ça n’en est pas pour autant évident et facile.

 

Il faut en parler avant, il faut prévenir, informer les femmes, en parler lors des repas de famille, ça évitera les crises à propos de la politique ou de la gestion du COVID 😜.

Il faut en faire un sujet commun, normal, pour qu’il en devienne banal. Ainsi toutes les jeunes femmes sauront ce qui les attend, mais surtout sauront qu’elles peuvent en parler ouvertement ; qu'on peut se sentir mal après la naissance de son bébé, que c’est ok de ne pas ressentir un amour inconditionnel et immédiat pour son enfant, que c’est ok d’avoir envie de se retrouver seule, que c’est ok d’avoir besoin de prendre du temps pour ses activités à soi…

 

Tout ce que je demande c’est d’informer, de parler, de communiquer sur le sujet. Ainsi nous éviterons de nombreuses dépressions du post-partum, des matrescences douloureuses, isolées et subies.

C’est à nous, jeunes, et moins jeunes, mamans, d’en parler, de « répandre la bonne nouvelle » 😉, de transmettre tout simplement. Pas pour faire peur ou décourager, mais juste pour dire la réalité de ce qu’on vit quand on devient cette nouvelle personne qu’on appelle une mère.