On pense qu’on doit tout gérer, tout assumer. Qu’on est wonder maman/woman. On n’ose pas admettre que non. On veut avoir une carrière et du temps pour être une femme.
On n’ose pas demander de l’aide. On veut être avec notre bébé, lui donner le meilleur, mais ça demande des sacrifices qu’on n’est pas toujours prête à faire ou auxquels on ne s’attendait pas.
Devenir mère nous rend plus forte, mais ça fragilise aussi tout un aspect de notre être. On perd nos repères, on en crée des nouveaux, c’est donc déstabilisant et effrayant.
Devenir mère fragilise la femme qu’on était, pour peu qu’on était une femme forte et indépendante, ça ébranle d’autant plus nos certitudes.
Je ne sais pas si c’est une chose communément vécue et ressentie, mais dans mon cas, je ressens régulièrement un tiraillement entre mon rôle de maman et ma place dans la société en tant que femme.
Toute ma vie j’ai du me construire en tant que femme, en tant que personne qu’on discrimine et rabaisse facilement.
Je savais depuis toujours que je devrai faire mes preuves deux fois plus qu’un homme, que je devrai me montrer forte en toute circonstance parce que sinon cela serait imputé à mon sexe ou à mon genre.
Je savais que moi, moins que les autres je n’avais droit à l’erreur. Alors c’est stupide et impossible, je le sais, mais voilà la société dans laquelle on vit ; celle où une petite fille de 5 ans sait qu’elle vaut autant qu’un homme, mais qu’elle devra le prouver, inlassablement, tous les jours si elle veut se faire une place. Celle où une jeune fille se dit qu’un jour elle devra peut-être choisir entre sa carrière et son envie d’enfant. Celle où une enfant voit son avenir limité parce qu’elle a en elle de quoi donner la vie, ce qui au contraire devrait la rendre toute puissante et fière !
J’espère sincèrement que les choses ont un peu évolué, mais j’en doute, en tout cas pas encore assez.
De ce fait la femme que je suis devenue au fil des années, celle que j’ai réussi à faire sortir de l’ombre pour s’assumer pleinement et fièrement, a du mal à trouver sa place en tant que mère.
Etre une femme m’a demandé tellement de temps, d’énergie, de travail sur moi, que voir tous mes repères bouleversés, et pour certains totalement effondrés, est assez dur à vivre par moment.
J’avais l’habitude d’être une certaine personne, or la naissance de mon fils a tout remis en question, cela m’a changée et je n’arrive plus à coller à mon ancien moi. Je n’arrive plus à faire coïncider les différentes facettes, les différentes femmes que je suis.
On m’a appris à être une bonne petite fille, bien sage ; une bonne élève, du genre première de la classe, et je maîtrise ce sujet à la perfection, mais on ne m’a pas appris à être une maman, qui doute, qui se pose 15 000 questions à la minute et qui ne sait pas.
Je ne sais pas si je suis la seule dans ce cas, mais c’est vertigineux.
Je n’ai pas confiance en moi en tant que maman, en mes compétences puisqu’aucune école ne m’a validé mes acquis, « achievement » en anglais 😉.
Suis-je la seule à vouloir trop bien faire et à culpabiliser à la moindre erreur ou anicroche ?
La société et mon éducation font ressortir ce sentiment de dualité en moi.
Devenir mère a tout perturbé dans l’ordre que je m’étais construit. Je dois à la fois être femme, répondre à mes propres besoins et envies, tout en étant une travailleuse productive qui apporte une valeur à la société, tout en étant une maman qui prend soin de son bébé, qui lui aussi sera un travailleur actif pour la société.
Il y a les « on nous dit » et il y a ce qu’on ressent. Les deux sont souvent liés et c’est précisément ce qui crée le paradoxe, ce qui le rend si oppressant.
Mais le paradoxe est avant tout en nous, en notre propre vision de nous, de nos choix, de nos aptitudes.
Je veux être une « bonne mère » (déjà qu’est-ce que ça veut dire ?), c’est une priorité absolue, mais pour être cette bonne mère, j’ai constaté que j’avais besoin de m’éloigner parfois de mon bébé, d’avoir des temps à moi, seule pour me ressourcer. Mais quand je suis seule, que j’ai enfin ce temps si précieux pour moi, je m’en veux d’être loin de mon enfant, de le confier à d’autres alors qu’il n’y a pas de meilleure place au monde pour lui qu’avec sa figure d’attachement, en l’occurence moi. Au début je m’en voulais, je n’arrivais pas à pleinement profiter de ces moments rien qu’à moi. Mais j’ai vite constaté que ça m’était vitale pour bien m’occuper de mon bébé, alors je fais en sorte de ne plus culpabiliser lorsque je fais du sport ou du shopping, ou que je prends un bain (bon dans ce cas je culpabilise pour la planète, ça ne s’arrêtera jamais 😱).
En grandissant, on m’a aussi dit que je devais pouvoir tout gérer, tout le temps et en tout lieu. Donc naturellement lorsque j’ai eu mon fils, c’est ce que j’ai fait, ou du moins tenté. Je suis perfectionniste, l’échec n’est pas envisageable, alors la maternité autant dire que je me la suis prise de plein fouet ! Puisque c’est une succession d’échecs et de nouvelles tentatives. Bon, pas que bien sûr, mais c’est un domaine où par définition il n’y a ni certitude ni protocole pré établi à suivre.
Je veux tout le temps tout contrôler, tout gérer, mais là c’était juste trop. J’ai du admettre à contre coeur que je ne pouvais pas tout assumer seule, que je n’étais pas prête à tout sacrifier non plus à mon enfant. Il y a une lutte en moi, celle d’avant qui veut se faire entendre, et celle de maintenant, la maman qui veut se dévouer corps et âme à son petit.
Est-ce un combat sans fin ?
C’est bien beau de dire aux jeunes filles qu’elles peuvent tout avoir, tout tenter, tout oser, mais ensuite on les lâche dans la nature (société) comme ça sans plus d’indication ou de soutien.
Je suis totalement d’accord avec le fait qu’une fille ne doit pas se mettre de limite sous prétexte qu’elle est une fille. Mais c’est aussi une pression de plus pour nous, parce qu’on se dit qu’on doit pouvoir le faire, qu’on doit pouvoir se débrouiller seule tout le temps. On va au bout de nos limites, on s’épuise et au final on se dévalorise parce qu’on se rend compte que ne peut juste pas tout faire toute seule.
C’est complexe.
Je ne dirai jamais à une fille/femme qu’elle doit faire des choix et des sacrifices contrairement aux hommes, NON. Mais je veux leur dire qu’elles peuvent demander de l’aide, qu’elles n’en seront pas moins valables pour autant, qu’elles ne seront pas moins qu’un homme.
Je ne veux faire peser aucune pression sur leurs épaules, la société s’en charge bien assez comme ça, au contraire, je veux qu’elles sachent que toutes ces injonctions, ces poids, peuvent être allégés si elles assument pleinement qui elles sont, à savoir des être humains faillibles, bourrés de contractions, d’imperfections, qui ont besoin des autres pour vivre, qui ont besoin du soutien et de l’aide d’autrui pour s’épanouir et prendre toute la mesure de leur potentiel.
« Nul Homme n’est une île » (John Donne), nous sommes des êtres sociaux, nous ne pouvons vivre sans la société, sans les autres, alors autant s’en faire des alliés, autant apprendre à se reposer sur eux quand nos propres forces faiblissent ou que nos capacités nous font défaut. Il n’y a aucune honte à se faire aider, ni même à demander cette aide. Au contraire, c’est une force que de savoir reconnaitre que là, à ce moment, dans ce domaine on ne sait pas, on ne peut pas.
Ça vaut pour la maternité comme pour tous les domaines de la vie, mais c’est d’autant plus vrai et nécessaire quand on devient mère. Je l’ai compris au fil des mois, et j’ai fini par accepter que je n’avais pas à tout gérer toute seule. Non je ne suis pas toute puissante, même si j’ai une certaine puissance en moi. Mon égo s’en est pris un coup au passage, mais ça ne lui fait pas de mal 😉.
Reconnaitre qu’on ne peut pas tout, c’est une forme d’humilité, même si je n’avais pas l’impression de me la péter. En fait je me suis aperçue que je n’avais pas la modestie d’admettre que j’avais besoin des autres. Maintenant je sais que je ne suis pas la seule à savoir comment changer les couches de mon fils, comment l’habiller en fonction du temps, comment prendre soin de lui tout simplement. Son papa sait tout aussi bien que moi, mieux parfois, et c’est ok. C’est bien même, ça me soulage d’un poids, ça me libère de l’espace mental et du temps, puisqu’il prend sa part de charge mentale.
Alors à toutes les petites filles, jeunes filles et femmes : il n’est de barrières que celles que l’on s’impose à soi-même. Ne vous limitez pas ! Appuyez vous sur tous ceux qui voudront bien vous aider, et ne culpabilisez pas de ne pas tout savoir ou tout pouvoir.