Le choix

pour que celui des femmes soit enfin respecté


Je viens de tomber sur un article (cf en bas de page) qui m’a sidérée, le truc que je ne pensais pas encore possible de lire en 2023, comme quoi le fait que je n’évolue que dans un univers semblable au mien, à savoir féministe, pro éducation bienveillante et dans la mesure du possible non genrée, me coupe d’une certaine réalité aussi. Je me rends compte que tout le monde n’en ai pas au même point sur ces questions.

 

Bon je ne suis pas naïve au point de penser que ça y est, la société est devenue égalitaire, fini le patriarcat et l’oppression masculine, fini les discriminations de genre, de sexualité, de religion ou de couleur. Il m’arrive encore de regarder les infos et de voir que c’est toujours bien pourri partout !

Mais le fait d’avoir un quotidien où la norme c’est l’égalité des sexes, c’est le consentement avant tout, c’est la communication non violente et l’accompagnement des émotions, bah en fait c’est presque trompeur parce que ma normalité n’est pas celle des autres familles, encore moins des autres femmes ou mères.

 

Et ce qui amène à un constat affligeant au détour d’un article sur la fausse couche.

 

 

Sur le coup j’ai du m’y reprendre à 2 fois pour être sure d’avoir bien lu la phrase. Textuellement voici la première phrase de l’article : « Avoir un enfant est le rêve de toutes les femmes. » La déjà je me suis dit que j’avais du tomber sur un site d’extrême droite catho. Et la seconde phrase : « la mère enceinte peut être sujette à un éventuel problème qu’est la fausse couche », un peu plus loin la fausse couche est qualifiée de « désagrément ». J’ai juste halluciné.

 

Je me suis mise en colère toute seule dans mon lit à minuit en lisant ça.

On est d’accord que ce n’est pas possible d’écrire ça ! C’est révoltant à 2 niveaux, la question de la maternité universelle et obligatoire pour toutes les femmes et la minimisation du drame qu’est une fausse couche.

 

 

Parlons d’abord de ce qui pour eux parait juste évident, le fait que les femmes veulent toutes forcément avoir un bébé un jour.

La j’ai eu mal dans mon coeur de féministe. La j’ai eu mal dans mon coeur de femme tout court.

 

Bah non en fait.

 

Le souci c’est que cet article n’est ni daté, ni signé. Je sais juste que les commentaires en dessous ont commencé en 2017, donc a priori il date de ce moment là. Alors certes en 2017 on parlait moins des femmes qui ne voulaient pas d’enfant, mais n’empêche qu’il y en a toujours eu. Je ne sais pas si c’est parce que dans mon entourage j’ai grandi avec des femmes qui n’ont jamais eu d’enfant, mais pour moi c’est normal de ne pas forcément vouloir d’enfant et surtout ce n’est pas une tare.

Je suis révoltée de voir qu’on peut écrire des choses aussi aberrantes. Et en plus il ne s’agit pas d’un obscure petit article perdu au fin fond de la masse des algorithmes d’internet. Non, c’est la première réponse qu’on trouve lorsqu’on fait une recherche sur la fausse couche. Ce n’est même pas le site de la sécu, qui lui est plutôt bien fait et surtout neutre en matière de conneries sexistes.

 

J’imagine que pour certains, moi aussi je dis beaucoup de conneries, que tout le monde n’est pas d’accord avec ma façon de faire ou de penser. C’est normal, mais j’évite de prôner des idées arriérées, sexistes, et fausses surtout !

Si je parle de mon ressenti c’est une chose avec laquelle on peut discuter. Mais si je parle d’avancées scientifiques, d’études médicales et de connaissances académiques avérées, je site mes sources, je les compare aussi et je ne prétends pas détenir la vérité absolue. Alors que là c’est un article qui se veut informatif, explicatif et scientifique, des femmes s’y réfèrent pour avoir des informations fiables. C’est ça qui me révolte le plus.

Réveillez vous les gars, il est loin le temps où toutes les femmes n’avaient pour but que d’enfanter et de rester à la maison à filer la laine et à préparer à manger ! Si tant est que ce fut un jour le cas..

 

Non toute les femmes ne veulent pas d’enfant, et ce n’est pas parce qu’elles ne peuvent pas en avoir, c’est bel et bien un choix de leur part, c’est un désir profond, aussi profond que peut l’être celui d’en vouloir un. Ne pas vouloir d’enfant n’est pas une absence de désir, mais un désir en soi.

 

 

Second problème de cet article, la minimisation de la fausse couche. « Un désagrément », non mais sérieux ?!

Qui à part un mec peut tenir de tels propos ?

 

Toute femme ayant malheureusement vécu une fausse couche sait très bien que ce n’est pas « juste » un désagrément. C’est un traumatisme, c’est une réelle perte, c’est une douleur profonde qu’elle n’oubliera jamais. Je ne comprends pas comment on peut tenir des propos indélicats face à une femme qui vient de perdre un bébé. Parce que oui pour elle c’était déjà un bébé, peut-être qu’il n’était qu’embryon ou déjà foetus, mais dans le coeur de cette femme qui voit son projet ou son rêve d’enfant s’écouler entre ses jambes, c’est une plaie immense qui s’insinue. Elle ne dira rien, elle ne fera rien d’autre que d’attendre que le sang s’arrête, que la douleur physique s’arrête. Mais elle continuera d’avoir mal très longtemps.

 

Bien sûr que pour d’autres femmes l’arrêt naturel d’une grossesse sera soulageant et ainsi ne les contraindra pas à devoir faire le choix de l’arrêt volontaire, qui lui aussi n’est jamais un simple « désagrément ». Mais même dans cette situation là, on ne peut pas qualifier de petit problème une fausse couche, médicalement parlant ce n’est pas rien et il peut y avoir des complications si tout n’est pas bien évacué.

Et puis on peut être soulagée et triste à la fois. On a le droit d’avoir des sentiments contradictoires, des pensées ambivalantes dans une même minute. On a le droit de ne pas vouloir de cette grossesse tout en pleurant seule dans ses toilettes en découvrant que ça n’ira pas plus loin.

L’être humain est complexe, peut-être encore plus les femmes à qui on impose un rôle social, domestique, éducatif, professionnel et maternel. On leur demande d’avoir toutes les caractéristiques des femmes, mais en plus d’agir comme des hommes, de les comprendre et de leur pardonner leur connerie monumentale.

 

Bon ceci nous entrainerait trop loin, mais tout ça pour dire que les femmes sont libres de leurs choix que ce soit pour avoir ou non un enfant, pour garder ou non un enfant et que leur ressenti compte, que ce qu’elles vivent dans leur chair et dans leur coeur est important, qu’on ne peut pas réduire cela au silence de leur honte ou de leur culpabilité.

 

 

Minimiser le vécu d’une femme, c’est comme nier sa souffrance, nier jusqu’à son existence. Il n’y a pas plus destructeur je pense que le silence d’une douleur. On rapetisse autant qu’on peut son ressenti et on prie pour que ça ne remonte jamais.

Je ne sais pas si c’est le cas de toutes les femmes, je n’aurai pas la prétention de parler au nom de toutes, mais parfois on a besoin de dire pour rendre réel. On a besoin de concrétiser une douleur pour la légitimer, pour savoir qu’elle a le droit d’être et qu’on a le droit de la ressentir. C’est horrible, mais bien souvent on ne s’autorise pas à avoir mal, à être dans la douleur ; d’une parce que ce n’est pas agréable, mais de deux parce qu’on n’en n’a pas le droit. La société nous intime l’ordre de nous taire, de nous faire toutes petites et de surtout garder le sourire, manquerait plus qu’on plombe l’ambiance avec nos états d’âmes !

 

La poursuite du bonheur à tout prix n’est pas le meilleur moyen selon moi pour y parvenir. Et dans notre monde, il FAUT être heureux, il FAUT être épanouie, il FAUT sourire à la vie malgré les coups de tatane qu’elle nous colle dans la face en lousdé.

Bah moi je dis NON.

J’ai le droit d’aller mal, j’ai le droit d’avoir mal et j’ai le droit de me plaindre, de vivre ma douleur pleinement parce que pour moi c’est ma façon de l’évacuer totalement.

Je ne veux pas qu’on la nie, qu’on la minimise sous prétexte que c’est plus confortable pour mon interlocuteur. Je veux qu’on la traite au même titre que toutes les autres émotions. Elle est légitime, et surtout pas moins importante qu’une autre.

 

Alors oui parler de sa fausse couche ou de son IVG c’est pas les sujets les plus fun, mais c’est essentiel de les faire exister. C’est important je pense de garder une trace de cette grossesse qui a existé, elle a été réelle, même durant un bref instant, mais elle a été.

 

 

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