Je vis depuis la naissance de mon fils un post-partum chaotique, tantôt euphorique et débordante d’amour pour mon bébé, tantôt submergée par l’ampleur de la tâche et l’impression d’être seule au monde dans une galère interminable. Je pense que je ne vais pas assez mal pour qu’on s’intéresse à moi, pas de dépression ou de burn out (en tout cas pas encore), mais en même temps je ne me sens pas non plus pleinement épanouie et comblée dans ce nouveau rôle de maman. N’étant pas en détresse psychologique, mon cas, mon ressenti, passe assez inaperçu et je pense que je ne suis pas la seule.
Je sais que pour toutes c’est un moment délicat, qu’on vit plus ou moins bien, mais j’ai souvent le sentiment que c’est plus évident et naturel pour les autres mères. Comme si leur bébé était né avec un mode d’emploi explicite ou je ne sais quoi 🤷♀️.
J’entends beaucoup de femmes dire que pour elles tout a coulé de source, qu’elles ont su quoi faire dès les premiers instants, qu’elles se sont senties mère à la seconde où elles ont vu leur enfant, le fameux regard “coup de foudre”. Et je me demande comment on fait pour se sentir si à l’aise dès le début, parce que de toute évidence ce n’était pas mon cas.
Durant 9 mois je me suis préparée psychologiquement, mais ce n’était tellement pas assez. Je savais que ça serait un tsunami, un changement de vie radical et je le souhaitais plus que tout. Mais de là à dire que j’étais prête à autant flipper, à m’angoisser pour la température de la pièce et toutes ces petites choses qui, d’un seul coup, prennent des proportions démesurées, clairement pas.
Je m’imaginais en maman cool, calme et bienveillante, qui emmène son bébé partout avec elle, qui allaite jusqu’à ses 1 an 😊. Bref j’idéalisais beaucoup.
J’en ai déjà parlé dans d’autres articles, mais dans la vie réelle je me suis révélée être une maman stressée, doutant d’à peu près tout, surtout d’elle même et ne sachant plus prendre une décision toute seule. Je suis devenue dépendante de mon conjoint, et je n’ai pas aimé du tout !
Mais durant plusieurs semaines, mois à vrai dire, j’avais besoin qu’il prenne des décisions, aussi banales que quotidiennes. Je ne me sentais jamais à la hauteur, j’avais l’impression de tout faire de travers alors que J’AURAIS DU savoir. Comme si le fait d’être une femme faisait automatiquement de moi une maman. Mais en fait non ! Tout comme on ne nait pas femme, eh bien on ne nait pas mère, on le devient.
Pendant ma grossesse je me disais que ça ne serait pas facile, mais bon les bébés je connaissais, ce n’était pas un monde totalement inconnu pour moi, contrairement à mon chéri qui n’avait même jamais tenu de bébé dans ses bras.
Et pourtant de nous deux c’est sûrement lui qui s’est révélé être le plus à l’aise et rassurant. Je suis une flipette de la vie depuis la naissance de notre plumeau. J’angoisse pour tout. Je me pose 8000 questions à la minute et je doute constamment de mes choix. Je sais que personne ne peut être sûr à 100% d’être un bon parent, mais moi ça dépasse les statistiques.
Depuis la naissance, je vis dans une sorte de flottement émotionnel, je suis ballottée d’un sentiment à un autre. J’ai parfois le contrôle, et parfois pas du tout.
Il y a ce que je voulais être, ce que je suis et ce que je voudrais être maintenant que je connais la réalité.
Je sais que je dois moins me mettre la pression, apprendre à « lâcher prise », mais quand on est perfectionniste comme moi c’est très difficile. Et toutes ces femmes, ces mères qui semblent avoir ça dans le sang, je me dis qu’à un moment elles ont bien du douter aussi, non ?
C’est précisément cela que l’on appelle la matrescence. Tout ce brouillard émotionnel, cette impression de ne plus être la même et de ne pas encore savoir qui on est.
Ce besoin fusionnel d’être avec son bébé et de n’avoir plus que lui en tête, de ne plus rien vouloir d’autre.
La matrescence, terme que j’ai découvert grâce au podcast éponyme (lien en Ressources), c’est la contraction de maternité et adolescence. C’est la jonction, ce moment charnière où on passe de femme à mère sans trop comprendre ce qui se passe. Toutes les femmes qui ont des enfants vivent cette étape, mais avec des ressentis différents bien évidemment.
Pour certaines tout va être fluide et évident, elles vont à peine ressentir ce flou ; pour d’autres ça sera très fort au point d’en faire une dépression. Il y a bien sûr des degrés intermédiaires, mais une chose est sûre, avoir un enfant nous bouleverse à tout jamais.
Si cela ne change pas la personne que l’on est, cela change radicalement notre quotidien et nos rapports aux autres. Et malheureusement on oublie trop souvent cela dans notre société. On a tendance à penser qu’avoir un bébé c’est juste un « mauvais moment » à passer le temps de l’accouchement et ensuite tout reprend son cours. Mais non.
Une femme qui vient d’accoucher est plus vulnérable que jamais, elle est aussi plus merveilleuse que jamais. C’est une warrior qui vient d’accomplir une prouesse physique et mentale. Elle a donné la vie et il faut la regarder avec admiration, respect et bienveillance.
Dans mon cas je me suis sentie vite dépassée, pas à la hauteur. Et surtout je me suis sentie jugée, et vraiment pas soutenue par mon entourage. Du coup j’ai très vite douté, remis en question mes choix et mes convictions, et c’est à ce moment que mes émotions se sont abattues sur moi comme la misère sur le pauvre monde (oui expression de 1810, j’assume 😁).
Je suis quelqu’un de résilient, je prends les épreuves les unes après les autres et je les affronte, mais là c’était violent comme déferlement. Par moment je me sentais noyée presque, je ne voyais pas comment j’allais me sortir de tout ce brouillard.
Et puis j’ai découvert ce podcast, j’y ai puisé des informations, des conseils de professionnels, et surtout mon mec l’a écouté (enfin quelques épisodes) et c’est lui qui a pris peur.
Il a compris que ce que je vivais n’était pas facile, que je pouvais basculer à tout moment du côté obscure de la maternité, et on a réalisé tous les deux qu’il fallait qu’on fasse des ajustements dans notre quotidien.
Je recommande donc à toutes les futures et jeunes mamans d’écouter le podcast La Matrescence, c’est une mine d’informations, mais aussi un moment de témoignage, de vécu d’autres mères et ça m’a vraiment aidée.
C’est aussi ce que j’essaie de faire au travers de mes écrits sur ce site 😉.
Quand j’ai compris que ce que je vivais n’était pas anormal et que je n’étais pas la seule, ça a tout changé. J’ai alors repris le contrôle sur ce que je pouvais et j’ai commencé à lâcher du lest sur le reste.
Bien sûr tout n’est pas parfait. J’ai encore des moments difficiles, le manque de sommeil n’arrange rien on le sait, mais maintenant je sais que j’ai le droit de ressentir ce que je ressens, que je ne suis pas une mauvaise mère pour autant.
La matrescence c’est non seulement un bouleversement psychique et émotionnel, mais aussi une modification physiologique de notre cerveau. En accouchant les femmes libèrent des hormones, on le sait depuis longtemps, mais les neuroscientifiques ont découvert que le cerveau des femmes se modifiait aussi à ce moment là.
Déjà durant la grossesse on a toutes pu faire le constat que notre cerveau n’était plus tout à fait le même, le « mummy brain ».
Eh bien après la naissance c’est prouvé, le cerveau des mères se modifie encore, moins de matière grise (temporairement, hein) au profit du développement de la zone des émotions.
On perd en interaction sociale mais on gagne en attachement avec son bébé. Notre corps, là aussi, s’adapte pour être sûr qu’on va répondre aux besoins de notre bébé, pour favoriser le lien d’attachement mère-enfant si essentiel au bon développement de nos petits trésors.
Et puis il y a l’amygdale de la peur qui s’ouvre et ne se refermera plus jamais.
À nouveau, toutes les femmes ne vont pas avoir le même niveau de changement dans leur cerveau. Mais en tout cas il est maintenant avéré que durant les mois, voire années, qui suivent une naissance, notre cerveau n’est plus le même et ce n’est pas une lubie de « bonne femme ».
L’autre information que ces études nous révèlent, c’est que cela ne dure pas plus de 2 ans. Cette sensation de brouillard finit donc par passer et on retrouve pleinement son cerveau. On se retrouve donc soi-même, on reprend possession de notre corps, de notre vie. J’ai hâte !