Dans ce qui suit je ne vais parler que des avortements choisis et assumés, pas en cas de viol ou d’inceste ou forcé par quelqu’un, qui sont bien évidemment des situations qui nécessitent une prise en charge différente, un véritable suivi médical à tous les niveaux.
Pourquoi serait-ce forcément une question douloureuse ?
Pourquoi partir du principe que c’est forcément un traumatisme pour une femme de vivre un IVG ?
Je vais peut-être choquer par mes propos, mais à mon sens cet acte, même s’il n’est pas anodin, comme toute procédure médicale ou chirurgicale, n’est pas obligatoirement synonyme de souffrance émotionnelle ou psychologique. Il peut juste répondre à un besoin et c’est tout.
J'ai eu recours à l’IVG il y a quelques années. Je n’en ai pas de traumatisme, de séquelles psychologiques, de détresse émotionnelle refoulée. Rien de tout ça !
J’étais enceinte, je ne voulais pas le garder, j’ai fait le nécessaire et ça s’arrête là pour moi.
Alors attention, je ne dis pas que toutes les femmes doivent le vivre ainsi, pas du tout, je dis juste qu’on n’est pas toute dans la même démarche émotionnelle et psychologique quand on décide d'avorter.
Je ne l’ai pas mal vécu, je sais que je ne suis pas la seule dans ce cas là, et je suis triste de voir que l’IVG soit autant diabolisé, caché, dans le meilleur des cas ; remis en question voire interdit dans le pire des cas.
Pourquoi ?
Pourquoi avoir peur de se faire avorter ?
Pourquoi avoir peur d’en parler ?
Pourquoi avoir peur de mal le vivre ?
Mon but ici n’est pas de dire que l’avortement est un moment merveilleux, bien sur que non. C’est physiquement douloureux, mais ce n’est pas pour autant mal ou honteux ou dégradant.
Ce n’est pas la routine non plus, on n’a pas recourt à l’IVG de gaité de coeur comme le disait Simone Veil ; c’est quelque chose que je ne veux pas revivre parce que j’ai eu mal, parce que j’ai perdu du sang durant des semaines, parce que j’ai du choisir une contraception qui ne me correspondait pas, bref pas envie de me retrouver dans cette situation à nouveau. Il n’empêche que je ne regrette pas ce choix, que c’était assumé, volontaire et qu’une fois sortie de là j’étais ravie de ne plus être enceinte et de pouvoir continuer ma vie comme je le souhaitais.
Suite à ça j’ai repris le cours normal de mon quotidien, je n’y pense que très très rarement et toujours de façon détachée et tranquille. Je n’en suis ni fière ni honteuse, pas plus que je ne le suis lorsque je me suis fait enlever mes dents de sagesse. J’assume cette comparaison parce que pour moi ça ne m’a fait ni chaud ni froid l’un comme l’autre, c’était des choses en trop dans mon corps dont je ne voulais pas, il fallait les enlever et des professionnels l’ont fait. Point.
C’est pour dire que tout le côté drama, n’a pas forcément lieu d’être quand on parle d’IVG.
Ce n’est peut-être pas banal ou anodin dans la vie d’une femme, mais ce n’est pas pour autant mal vécu.
Encore une fois, toutes les femmes ne le vivent pas de la même manière, pour certaines c’est un vrai traumatisme, et il faut les aider, il faut les accompagner psychologiquement, mais ce n’est pas le cas pour toutes. Certaines, comme moi, le vivent très bien ; on peut encore se regarder dans une glace après avoir eu recours à une IVG, on peut encore souhaiter avoir des enfants un jour (ce n’est pas incompatible), on peut encore vivre sans culpabiliser une seconde et profiter sans remord de la vie qu’on a choisi pour soi !
Ceci n’est pas un manifeste en faveur de l’interruption volontaire de grossesse, même si je défends ardemment ce droit, ceci dit juste qu’il faut arrêter d’en avoir peur, de le voir comme la faute suprême qu’on trainera toute sa vie. Non en fait, on peut vite passer à autre chose et ne pas s’en vouloir d’avoir bénéficié de ce droit.
Avoir recours à l’IVG ne veut pas forcément dire qu’on a commis une faute. Il faut aussi arrêter avec ça.
Un oubli de pilule ou de capote et tout de suite c’est la faute de la femme, c’est de sa responsabilité donc elle doit en assumer les conséquences honteuses. Bah non en fait !
Certes la femme est responsable de son corps et de ses choix, mais l’IVG n’est pas là pour corriger une faute. Il est là pour permettre aux femmes de continuer à vivre comme elles l’entendent. Pas de notion d’accident ou d’erreur là-dedans, juste répondre à ce besoin.
J’ai choisi d’avoir une IVG pour me permettre de continuer à vivre selon mes choix, mes envies, mes possibilités. Le pourquoi du comment je me retrouve dans cette salle à prendre un cachet qui aidera mon corps à expulser cette chose étrangère en moi, ne regarde personne d’autre que moi en fait. Et me poser la question c’est déjà faire reposer une forme de culpabilité sur moi alors que pour en arriver là il faut être deux, dans le cadre d'un rapport consenti j'entends.
Quelque soit la raison pour laquelle on a recourt à l’IVG, on ne doit trouver que bienveillance, écoute et discrétion (en opposition à l’intrusion). Ne pas juger, ne pas émettre d’avis, ne pas présupposer non plus, juste traiter la patiente tel qu’elle est et respecter ses besoins.
Pas besoin de virer dans le pathos immédiatement parce qu’on a eu une IVG.
Non mais en fait tout va bien, je le vis bien et je suis contente de l’avoir fait sinon aujourd’hui il y aurait 2 êtres de plus très malheureux dans ce monde, un bébé qui n’était pas désiré et une mère qui ne voulait pas l’être, donc clairement j’ai bien fait d’opter pour ce choix.
On brandit l’IVG comme une menace ultime en matière de sexualité, du type attention si tu as des rapports non protégés ou si tu ne fais pas attention, il va t’arriver ça !
Eh bien vous savez quoi, il m'est arrivé "ça" et je ne l’ai pas mal vécu du tout. Et surtout, il n’y a pas de différence entre une femme qui n’a jamais avorté et moi.
Je ne suis pas marquée au fer rouge, ce n’est pas inscrit sur mon front à l’encre indélébile que j’ai décidé un jour d’interrompre une grossesse dont je ne voulais pas. Ce n’est pas pour autant que c’est un secret inavouable, que je doive me taire à tout jamais et ne surtout pas aborder le sujet au risque de raviver de douloureuses blessures. Pas du tout. J’en parle ouvertement ici et je n’ai pas honte. Je n’encourage rien d’autre que la liberté de parole et la liberté de choix pour toutes !