Qu’est-ce que se sentir mère ?
Je le dis, je verbalise enfin ce ressenti que j’essaie d’identifier depuis la naissance de mon fils sans y parvenir. Mais cette fois j’ai compris. Je ne me sens pas mère !
Cela ne remet bien sûr pas en cause mon rôle auprès de mon bébé, ni mon implication et tout l’amour que je lui porte. Il ne s’agit pas non plus de douter de mon lien d’attachement avec lui, mais bien de me questionner sur ma vision de la mère, mes modèles et ma relation à cette image de la mère toute puissante.
Comment se sent-on mère ? Comment sait-on qu’on est mère ?
Bon dans la pratique je sais : il y a la grossesse, la naissance et puis le fait de s’occuper de son bébé, mais cela donne seulement un statut juridique et social; on est la référante, la responsable légale de ce petit être qu’on a mis au monde. Mais au fond de nous, qu’est-ce qui fait de nous une mère?
Aucune mère autour de moi ne m’a expliqué ce qu’elle avait ressenti en donnant la vie. Aucune ne m’a dit ce qu’elle avait vécu et ce qui lui avait fait réaliser qu’elle n’était plus seulement une femme, mais aussi une mère. Aucune ne m’a dit tout ce que j’allais vivre, ressentir, ou souffrir.
Aujourd’hui je m’interroge, parce que j’aime d’un amour inconditionnel et infini mon bébé; il est ma vie, mon trésor. Quand je le regarde je le reconnais comme étant mon fils, ça a été le cas à la seconde où je l’ai vu, mais moi je ne me sens pas maman. Le problème je pense, vient du fait que le modèle maternel que j’ai ne colle pas avec ma réalité à moi. J’ai eu des exemples de mère autour de moi, à commencer par la mienne et il est très dur de s’émanciper du seul schéma qu’on connaisse, surtout dans un domaine où se faire confiance est très difficile, puisqu’on ne sait rien. Pour moi une maman c’est la mienne. Moi je suis la fille de, je n’arrive pas à changer de statut dans ma tête. Je crois que c’est ça qu’on appelle la matrescence, non?
Déjà que devenir femme m’a pris beaucoup de temps, ça a été plutôt compliqué, et là il faut encore que je change, que je devienne autre chose, aux yeux du monde et aux miens. C’est beaucoup je trouve. D’autant que dans peu de temps je vais aussi devoir intégrer un autre statut, celui d’épouse. Comment concilier la femme, la mère et l’épouse ? Pas de façon pratique au quotidien, mais l’intégrer dans ma tête, dans mon for intérieur ? Comment tout cumuler tout en restant moi ?
Comme je disais, devenir une femme n’a pas été simple. La première fois que je me suis sentie devenir femme j’avais 25 ans et j’étais en train de m’achetais un sac; un vrai sac de femme, plus le sac en toile d’une étudiante. J’ai réalisé à cet instant que je n’étais plus la petite jeune, je changeais, mais il m’a encore fallu 5 années pour pleinement devenir cette femme. A 30 j’étais enfin moi ! Alors là, devoir encore tout changer, devenir une autre version de moi-même, c’est un peu dur à encaisser. La mise à jour a du mal à se faire.
Je m’occupe de mon fils, je fais tout ce qu’il y a à faire, je fais tout au mieux pour lui, je fais tout bien comme il faut (je l’espère) pour qu’il se développe bien, qu’il n’est pas de problèmes plus tard. Mais c’est lourd. C’est tellement lourd. Moi je veux être légère, et depuis sa naissance tout n’est qu’angoisse, incertitude et complications. Je veux retrouver ma confiance de grossesse, quand je me sentais capable de déplacer des montagnes.
Maintenant je tâtonne, j’essaie, j’échoue, je recommence autrement. Je sais que c’est ça être parent, c’est faire de son mieux en accord avec ce qu’on est. Mais c’est dur de se résoudre à ce que les choses ne soient pas comme on le voudrait. Ne pas correspondre aux standards qu’on s’est soi-même fixés c’est encore plus déroutant et ça peut vite remettre tout en cause. C’est dur de lâcher prise. On en revient toujours là.
Et c’est dur d’en parler à haute voix. Rien que le fait de demander à une maman plus expérimentée où elle a trouvé tel produit, ou bien à quel moment elle a fait telle activité avec son bébé, je me sens ridicule, voire nulle, qu’elle me juge ou non d’ailleurs. Uniquement parce que j’ai le sentiment que je devrais savoir. Ça devrait être inné chez moi et ça ne l’est pas en fait. Du coup je ne me sens pas légitime comme mère. Je me sens comparée et critiquée par la société, par les générations précédentes qui ne comprennent pas toujours qu’aujourd’hui on ne fait plus comme eux. Alors si je parle à une autre maman, que va-t-elle penser ? Si j’en parle à une amie qui n’a pas d’enfant elle ne va pas comprendre de quoi je parle. Et si j’en parle à un homme, lui ne va même pas se sentir concerné. Je suis donc seule face à moi-même. C’est pourquoi j’écris. Je vide mon sac sur des feuilles blanches; je trie mes idées de cette façon et j’y vois plus clair après. Poser des mots sur ses émotions c’est essentiel, moi je le fais de cette manière, à chacune de trouver ce qui lui convient.
Cet article est une sorte de bouteille à la mer lancée dans l’espoir que d’autres mamans se reconnaissent, se sentent peut-être moins seules et me partagent leur expérience.