Corps, sport et grossesse

L'acceptation de son corps par le sport et la grossesse

Publié il y a 4 ans

En préambule il convient de rappeler que je ne parle que de mon cas. Mon expérience ne vaut en aucun cas pour diagnostic ni vérité absolue.

Avant la pratique d’un sport il est préférable de demander l’avis du praticien qui suit notre grossesse.

 

Ceci étant dit, parlons de mon expérience, de ma propre pratique sportive, de mon rapport conflictuel à mon corps, tout cela dans un contexte de grossesse.

 

 

Lorsque je suis tombée enceinte, je ne me suis pas d’un seul coup mise au sport en me découvrant soudainement une passion folle pour l’exercice physique. Pas du tout ! Je pratique différents types de sport depuis de longues années, que ce soit en salle ou en extérieur, seule ou à plusieurs.

Attention, je n’ai pas toujours aimé le sport. Je partais même de très loin dans ce domaine, mais un jour j’ai eu envie d’essayer, une heure ou deux par semaine au début. Voyant à quel point cela me faisait du bien j’ai accéléré le rythme, avec plusieurs séances par semaines, parfois par jour. J’étais tombée dans l’excès je pense. J’avais besoin de ma dose quotidienne de sport, c’était comme essentiel à mon équilibre, et si jamais je n’en faisais pas une grande culpabilité m’envahissait, je n’avais plus aucune bienveillance envers moi et je me dépréciais allègrement.

 

Je savais que le sport était une bonne chose, que cela me permettait souvent d’évacuer mon stress, de donner une bonne fatigue à mon corps, de repousser mes limites, mentales comme physiques, et de prendre du recul sur des situations professionnelles ou personnelles trop envahissantes.

Ceci étant, je pense que ma pratique du sport n’était pas toujours très saine. Une brève psychanalyse dirait que je cherchais à compenser, à masquer et à palier à tout ce qui me rendait malheureuse ou insatisfaite par ailleurs.

J’en avais conscience à l’époque. Mais la vérité c’est aussi que le sport m’a aidée. Il a été ma bouée de sauvetage quand tout allait mal dans ma vie, quand mon corps m’avait lâché, où plutôt qu’il me faisait comprendre qu’il avait besoin de se remettre de tout ce que je lui avais fait subir. Le sport a été salutaire pour moi sans aucun doute.

 

 

Reprenons depuis le début.

J’étais une enfant et une ado complexée, mais rien d’original ni de préoccupant. Dans un premier temps.

Jusqu’à ce que la maladie s’installe, s’instille par petites pensées insidieuses et perfides. Sans crier gare, j’avais perdu 20 kg, je ne mangeais plus, et supériorité absolue de cette maladie, je n’en avais même pas conscience. C’est-à-dire que pour moi, j’étais une lycéenne de 18 ans en parfaite santé qui s’apprêtait à passer son bac. Je n’avais même pas remarqué que je ne pesais plus que 40 kg (pour 1,73 m), que je nageais littéralement dans mes vêtements et que mes proches étaient très inquiets. Bref j’étais anorexique.

 

Durant 3 ans je suis restée dans cet état, tout en étant par ailleurs en excellente santé, enfin en surface, parce que à l’intérieur mon système endocrinien en avait pris un coup. Et un beau matin j’ai vu mon reflet dans le miroir. Mon vrai reflet, pas celui que j’imaginais ou fantasmais depuis des mois. Le choc a été très violent. A tel point que j’ai à la fois pris conscience de beaucoup de choses et en même temps tout renié en bloc.

J’ai donc vécu quelques temps dans le déni, et puis j’ai fini par réaliser que ce n’était plus possible.

Je passe les étapes médicales, les prises en charge par différents thérapeutes, ce n’est pas le sujet, mais tout cela a fait que j’ai pu m’en sortir. Ma volonté ma sauvé, ma détermination et c’est une de mes plus grande fierté, mais j’ai aussi été aidée par les bonnes personnes. Je n’ai pas toujours été très coopérative, mais j’ai fini par sortir de mon trou noir.

J’ai eu d’autres troubles du comportement alimentaire, les fameux TCA, parce que le poids n’était pas le problème, mais bien la dépression qui se cachait derrière et surtout l’image désastreuse que j’avais de moi et de mon corps.

 

Je me trouvais moche, grosse (même à moins de 40 kg) et sans intérêt. Je pensais qu’aucun homme ne voudrait de moi, et pour cause, moi même je ne voulais pas de moi, je me rejetais en permanence.

 

Pas facile de se construire positivement dans un tel contexte. Et c’est à ce moment que le sport a fait son entrée dans ma vie. Je devais reprendre le contrôle sur ce corps que je détestais tant. Je devais remettre de l’ordre dans ma vie.

Alors certes ce n’est pas la meilleure façon d’aborder la pratique sportive, pourtant très vite j’ai réalisé que ça m’apportait tellement plus que des kilos en moins et une ligne affutée. En fait, cela m’apportait la satisfaction de l’exercice accompli, le bien être d’un moment à moi, la sérénité d’un corps à qui on a demandé un effort qui était dans ses cordes. Toutes les hormones d’ocytocine, de sérotonine, de dopamine et autre, je les ressentais et elles me faisaient tellement de bien !

J’ai pu faire la paix avec mon corps, bon une paix chaotique, parce qu’au fond je gardais cette mauvaise image de moi, une angoisse sourde qu’un jour je perdrai à nouveau le contrôle et que tous ces kilos si durement perdus reviendraient me hanter.

 

Le chemin allait être encore long.

 

J’ai eu 30 ans, un premier déclic s’est opéré dans ma tête, j’ai commencé à lâcher prise sur certains points, comme le maquillage. Je n’aurais jamais cru pouvoir sortir de chez moi sans maquillage et pourtant je l’ai fait, et la terre ne s’est pas arrêtée de tourner pour autant 😉. J’ai commencé à m’informer sur pleins de sujets, comme la sexualité, le féminisme (mieux vaut tard que jamais), le développement personnel, bref j’ai grandi, j’ai vieilli, j’ai muri.

 

Je suis devenue moi, la vraie moi, celle qui se cachait tout au fond de mon inconscient, celle qui avait peur de trop s’exprimer, de trop exister tout simplement.

Je suis devenue celle que je voulais être, une femme forte, indépendante et voulant aider toutes les femmes en devenir qui l’entourait.

 

Au fils des années mon rapport au corps s’est encore modifié, j’ai décidé d’accepter ce que je ne pouvais changer. J’ai décidé de ne plus me prendre la tête avec mes petits bourrelets. Mais bon, entre le décider et l’appliquer il s’est tout de même passé un peu de temps, et notamment une grossesse !

 

 

A ce moment là j’avais deux options, soit je restais dans ma démarche de lâcher prise et d’acceptation, soit je repartais dans une lutte sans merci avec mon corps. Autant dire que le premier trimestre a fait le choix pour moi, j’étais totalement incapable de me lever de mon lit, donc me battre contre moi-même n’était même pas envisageable. Je n’avais pas la force, mais surtout je ne voulais pas mettre en danger la vie de mon bébé ! Il était hors de question que pour des raisons d’égo et d’apparence, je remette en cause le bon déroulement de cette grossesse.

 

Mais il était tout autant hors de question que je reste sans sport durant 9 mois.

Très tôt dans ma grossesse j’ai eu le feu vert, voire les encouragements de mon gynécologue pour continuer le sport. Alors bien sûr il me déconseillait les sports à impact, j’ai donc dû renoncer à la course à pied ou à la Zumba que j’aimais tant. Une fois passé le premier trimestre, et celles qui ont lu mes autres articles savent pourquoi, j’ai repris la direction de ma salle de sport.

J’étais très heureuse de reprendre le sport après ces 2 mois d’arrêt. J’en avais besoin aussi. J’ai bien évidemment adapté ma pratique en réduisant le rythme et en choisissant des cours plus doux, type yoga, danse, marche ou vélo. L’idéal aurait été de faire de la piscine, mais je déteste l’eau :-).

 

J’ai ainsi pratiqué régulièrement du sport durant ma grossesse. Je me suis arrêtée un mois avant l’accouchement, tout simplement parce que je n’avais plus envie. La canicule s'est installée, ce n'était plus le bon moment et puis je voulais prendre soin de moi, de mon bébé et préparer tranquillement son arrivée.

 

Je n’ai pas fait du sport durant ces mois pour ne pas prendre trop de poids, ou pour maigrir ce qui serait très dangereux pour la mère et le bébé, mais juste pour me faire du bien. Au final j’ai pris 16 kg je crois (j’ai arrêté de compter avant la fin 😉), et je m’en fichais royalement !

Au fond c’est surtout ça qui s’est joué pendant ma grossesse, j’ai arrêté de m’en faire pour les kilos en trop, pour ma ligne, pour ce qu’on allait penser de moi. Le plus important pour moi à ce moment là c’était notre santé à tous les deux, et mon bien être rejaillissait sur son bon développement. C’était tout bénef 😁!

 

J’ai arrêté de culpabiliser lorsque je mangeais de la brioche ou que je restais 3 jours sans aller à la salle. J’étais très heureuse de voir mon corps s’arrondir, de toucher mon ventre en permanence, de parler à mon bébé. Et je sais aussi que le sport lui faisait du bien, il aimait beaucoup la musique (et c’est toujours le cas 😊) et voulait que je bouge tout le temps. C’était un moyen de communiquer avec lui mine de rien, et je suis très contente d’avoir eu la chance de pouvoir le faire. Si j’avais dû rester alitée durant plusieurs mois j’aurais déprimé. Je l’aurais fait parce que dans ces cas là on fait ce qu’il faut pour notre bébé, mais ça m’aurait vraiment coûté. Je veux dire à toutes celles qui sont dans cette situation ou qui l’ont vécu, qu’elles sont incroyables et merveilleuses ! Vous êtes des héroïnes !!

 

 

Pour ma part, j’ai pu mener librement ma grossesse, et cela m’a tellement révélé sur moi.

Aujourd’hui j’ai plus d’indulgence et de bienveillance envers mon corps et ses capacités.

Certes, il a fallut encaisser le nouveau reflet dans le miroir, pas toujours facile quand même malgré les bonnes résolutions, mais dans l’ensemble je lui ai foutu la paix. Et je pense que mon corps en avait juste besoin. Je l’ai laissé gérer à son rythme, que ce soit pour prendre les kilos comme pour les perdre.

Étant enceinte on a la bonne excuse pour se libérer de ce poids imposé par la société de l’image du corps de la femme, ce qu’il doit être, comment et sous quelle condition. Eh bien j’ai décidé que ça ne serait pas une excuse et que même en post-partum je voulais m’appliquer la même bienveillance.

 

J’ai pas claqué des doigts non plus, ça a mis un peu de temps à cheminer, mais vraiment durant la grossesse mon rapport à mon corps a switché. J’ai voulu voir si je pouvais le prolonger. Et ce fut le cas, avec des ratés bien sûr.

Certains jours encore je n’aime pas ce que je vois dans le miroir, surtout quand notre fils nous fait des trous de 4h dans la nuit 🤦‍♀️. Mais comme je n’ai pas le temps de m’apitoyer sur mon reflet, j’enfile une jupe ou un jean et je m’occupe de mon bébé sans plus penser au reste. Ça a ça de bon la maternité, ça occupe tellement tout ton espace mentale, que tout ce qui te semblait important avant, devient insignifiant maintenant.

 

 

J’ai repris le sport, deux mois après la naissance, tranquillement on est d’accord, en parallèle des séances de rééducation de mon périnée. Et j’ai découvert à quel point j’avais lâché prise là dessus en fait.

Aujourd’hui je vais à la salle quand je peux, ce n’est ni régulier ni organisé, mais je prends plaisir à y retourner, à faire le cours que j’ai choisi ou des machines avec un bon podcast (sur la maternité, ou pas 😉). C’est du temps que je m’octroie pour moi maintenant, et non pour contrôler mon corps, pour le soumettre à un dictat quelconque. Quand j’en ai envie j’y vais et si je ne le sens pas, je n’y vais pas, là où avant je me serais forcée, voire injuriée.

 

Certes on peut se dire que mes priorités ont changé, je n’ai plus autant de temps à consacrer au sport, oui c’est vrai, mais ce serait trop réducteur de se limiter à ce constat. Je consacre moins de temps à ma pratique sportive, parce que j’ai changé de vision sur mon corps. Mes complexes n’ont pas tous disparus (ce n’est pas miraculeux non plus la maternité 😂), mais je me fiche de l’image que je renvoie, tout simplement. Je me fiche de faire un 42 ou un 38. Je me fiche de mes cernes, de mes rougeurs/boutons, de mon petit ventre qui ne rentre pas dans tous mes vêtements.

Et je suis convaincue que si j’ai pu perdre mes kilos (et encore pas tous) de grossesse c’est grâce à ce nouvel état d’esprit. Oui il m’aura fallu 12 mois pour les perdre, eh alors ? J’ai préféré foutre la paix à mon corps, ne pas lui mettre la pression. Je n’ai pas fait de régime ni de séance de remodelage du corps, attention je ne critique pas celles qui le font, cela ne me correspond pas et je n’avais pas d’énergie à mettre là dedans.

 

A chacune de prioriser ses « combats » on va dire. Moi c’était l’allaitement et le sommeil de mon fils. Bon j’ai fini par arrêter le premier plus tôt que prévu et le deuxième n’est toujours pas en voie d’amélioration 14 mois plus tard 😰.

 

Si pour vous, retrouver votre taille d’avant c’est important alors c’est tout à fait légitime, vous avez le droit d’y mettre votre énergie, votre temps et votre argent. Et surtout vous n’avez pas besoin que qui que ce soit vous fasse culpabiliser pour ça, surtout pas moi.

Mon propos est justement là pour permettre aux femmes de se déculpabiliser, d’arrêter de se mettre la pression et de vivre leur féminité et leur maternité comme bon leur semble !