Comment bien éduquer ?

Entre injonctions parentales, eldorado de l'éducation et désillusions de la réalité


Vaste question, à laquelle il n’existe pas qu’une seule réponse, sinon c’est trop facile 😉.

Pour certains c’est l’opportunité d’ouvrir le cadre, d’aller explorer le champ des possibles ; pour d’autres, comme moi, c’est une angoisse supplémentaire. J’aime le cadre, j’aime les réponses claires et précises ; j’aime la finitude des choses, ça me rassure beaucoup, c’est concret et ça me donne confiance. L’infini ou la multitude ça m’angoisse et je me perds. Autant dire que je suis mal tombée avec la parentalité que j’ai choisi 🤦‍♀️.

 

 

Ces derniers temps j’en viens à me dire qu’il serait bien plus simple d’élever et d’éduquer mon fils dans la violence, la peur et l’autoritarisme. Je suis fatiguée d’être celle qui ne fait pas comme tout le monde. Je ne trouve pas ma place au sein de mes proches, j’ai l’impression d’être un ovni avec mon éducation « bienveillante ». Mais ça encore je peux le gérer, seulement j’ai l’impression de faire de mon fils un ovni lui aussi, avec son hypersensibilité, son empathie exacerbée, sa capacité à donner ou non son consentement (allègrement bafoué par bon nombre d’adultes à qui il faut sans cesse expliquer que non il n’est pas obligé de faire un bisou pour dire bonjour ou au revoir et que ce n’est pas un enfant « mal poli » ou « mal élevé » pour autant ! Il fait mal le « mal élevé » quand tout ce qu’on essaie de faire c’est précisément de « bien » élever notre enfant.)

J’en ai marre d’être celle qui doit éduquer les autres adultes de son entourage. Ce n’est pas à moi de le faire, je ne peux pas forcer un autre parent à m’écouter, à ne pas mettre de fessée ou à comprendre pourquoi c’est délétère de laisser pleurer son bébé.

Je ne peux même pas dire mes difficultés de mère, puisque pour eux de toute façon avoir UN seul enfant c’est easy, que les choses sérieuses commencent à partir de 2 et que franchement avec un je n’ai pas le droit de me plaindre. Bon bah du coup je me tais 😶.

Je ne peux même pas dire que j’en peux plus, que mon fils m’épuise, car tout ce que j’entendrais c’est que je l’ai trop porté, je ne l’ai pas laissé assez pleurer, j’en ai fait un enfant « capricieux », « difficile » avec mes lubies d’éducation positive et de maternage proximal. Non je ne peux même pas le dire car je n’ai plus l’énergie ni l’envie de subir ces attaques.

 

 

Je me dis que finalement j’ai pas les armes pour lutter contre la violence éducative ambiante, que ça serait plus facile en fait de lui coller une gifle ou une fessée quand il fait une bêtise, de lui crier dessus et de l’engueuler à la moindre tempête émotionnelle, de le punir dans sa chambre ou au coin comme tout le monde, de ne pas respecter son consentement et de lui imposer mon autorité tout puissante de parent. Oui ça serait définitivement plus facile pour moi de reproduire un schéma éducatif connu, vécu et validé par la société.

 

C’est horrible d’en venir à ce constat, parce que je suis profondément convaincue que ce n’est pas la bonne voie. Je suis profondément convaincue que ce n’est qu’en respectant les enfants, en les écoutant, en les accompagnant à gérer leurs émotions, en respectant leur consentement, sans jugement et avec empathie qu’on va rendre le monde meilleur. Oui oui, ambition ultime digne d’une miss France, mais j’assume. D’où la pression énorme que je m’impose. Alors je sais qu’à mon petit niveau de maman d’un seul enfant je ne vais pas changer la société ni même le monde, mais si je fais ma part je me dis que ça peut déjà aider.

Mais c’est tellement dur d’évoluer dans un monde (global et restreint) qui n’a pas la même vision, qui ne cherche même pas à faire autrement, trop convaincu de détenir la vérité absolue et de sa supériorité de droit divin intouchable !

 

C’est épuisant de porter ça seule avec mon mari. C’est lourd, c’est tellement lourd de porter cette ambition, cette volonté de juste faire mieux que nos parents.

Juste ça.

 

Je veux que mon fils soit élevé dans le respect pour qu’ainsi il respecte les autres.

Je veux qu’il soit élevé dans la valorisation et l’encouragement pour qu’ainsi il encourage et valorise à son tour.

Je veux qu’il soit élevé dans la bienveillance et la non violence pour qu’il puisse à son tour se montrer bienveillant, soutenant et respectueux de tous. Mais j’ai l’impression de me battre contre des moulins à vent, de pisser dans un violon lorsque je parle de consentement ou de violences éducatives ordinaires.

 

Alors j’ai le sentiment de n’avoir que 2 options : soit j’en reviens à une éducation patriarcale, sexiste, hiérarchique, violente et autoritariste ; soit je le retire de l’école, de sa famille et on s’enferme dans une grotte au fin fond de la Creuse pour être protégé du monde 😅.

Je sais que ce sont des extrêmes et qu’il doit exister un juste milieu, c’est juste que là maintenant je me sens démunie et à cour d’option quand mon fils rentre de l’école agressif et en colère à la moindre contrariété et qu’il finit par nous dire qu’il a été puni à l’école, qu’on l’a isolé des autres car il perturbait la sieste. Bon alors soyons clairs, qu’il dérange ses camarades c’est pas acceptable ; qu’il empêche ceux qui veulent dormir de le faire c’est pas ok et c’est normal qu’on le reprenne, voir qu’on le retire de la pièce. Par contre, lui dire qu’on le punit et qu’on le mette dans un lieu qu’il ne connait pas, ça me pose un gros problème. D’une il n’y est pour rien s’il n’a pas sommeil, de deux punir n’est pas la solution et de 3 il n’était pas seul à faire le bazar, seulement on a puni que lui. Du coup cela génère chez mon fils de l’injustice, de la tristesse et de la colère, comme il a pu le verbaliser. C’est l’avantage d’avoir un enfant à qui on a appris à verbaliser ses émotions, il peut les exprimer et nous on peut ainsi mieux y répondre (comme quoi c’est peut-être pas si mal comme éducation 🤨). Et cela permet de voir qu’il a compris sa bêtise, il m’a dit avoir compris qu’il fallait respecter le sommeil de ses camarades et que son comportement n’était pas adapté, que la « punition » avait un rôle de réflexion et non de sanction, parce qu’il faut bien trouver des excuses à l’atsem, à l’école et au système en général pour qu’il n’ait pas peur d’y retourner. Mais c’est dur en tant que partisane de l’éducation sans punition (car je ne lui reconnais aucune valeur pédagogique éducative) de devoir accepter que mon fils vive ça, subisse sans rien y comprendre.

 

En fait c’est ça le pire, c’est de le voir pris entre deux feux, à la maison un cocon d’amour, de tolérance et de respect, puis le reste du monde quoi…

Je ne veux pas qu’il soit exclu ou isolé. Mais la violence de ce monde est telle que j’en viens à me dire que je ne lui donne pas les armes pour y faire face. Peut-être devrais-je le battre pour lui apprendre à se défendre ? Peut-être devrais-je l’insulter pour lui apprendre à prendre sa place de force ?

La société n’est pas prête pour ce changement, où que mes yeux se posent je vois des parents gifler ou tirer le bras de leur enfant ; je les vois leur crier dessus, les menacer, les insulter, les dénigrer, les rabaisser, les ignorer et bafouer leur consentement. Dois-je en faire autant ?

 

 

Si moi qui suis si convaincue des bienfaits de l’éducation positive j’en viens à me demander ça, qu’en est-il pour tous les autres ? Ceux qui ne savent pas, qui doutent et qui sont seuls aussi face à l’immense défi que c’est que d’élever un enfant ? Pour ceux moins convaincus, moins soudés dans leur couple parental, moins en phase, je me dis que c’est horrible de les laisser ainsi galérer seuls. Et de fait ils doivent surement revenir à ce qu’ils connaissent ou ce qu’ils ont vécu, c’est évident.

Je ne jette pas la pierre aux parents, quel que soit l’éducation qu’ils choisissent, ou pas d’ailleurs, car beaucoup ne se posent même pas la question, ils ignorent que des alternatives existent et qu’on peut faire autrement tout en faisant bien.

J’en veux au système, à la société et aux politiques qui ne font rien, ou si peu que cela revient au même. Ils ne prennent pas la mesure des enjeux, ils ne comprennent pas qu’en améliorant la prise en charge des mères, des parents et des tout petits ils changeront la face du monde. Et ça m’énerve prodigieusement que des gens qui se disent si éclairés, si intelligents avec tous leurs diplômes, leurs grandes études et leurs beaux discours ne voient pas qu’en fait la solution est au commencement de tout, à l’origine du monde !