Allô maman, bobo

La santé mentale des mères est en jeu


Cette phrase, cette expression, ces paroles d’une chanson si connue, font normalement référence à l’enfant. Ce sont les cris d’un enfant vers sa mère, parce que bien sûr, qui appelle-t-on quand ça ne va pas ? Qui appeler quand le monde entier nous oppresse ou nous opprime ? Sa maman of course !

Mais qui aide les mères ? Qui une mère peut-elle appeler quand c’est elle qui va mal ?

 

 

 

 

Cet espace je le laisse volontairement vide pour montrer à quel point les mères sont seules et comme la pression est grande pour qu’elles aillent bien ! Seulement voilà, on ne leur donne pas les moyens d’aller bien, juste l’obligation, après c’est démerde toi comme tu peux, mais surtout ne viens pas nous enquiquiner avec tes problèmes maternels ou autres.

 

 

Cette phrase je la fais mienne ici et maintenant parce qu’aujourd’hui c’est moi qui saigne, c’est moi qui ai mal, c’est moi qui vais mal.

Qui puis-je appeler pour ça ? Ma mère ? Non, parce qu’elle est dans le même état que moi. Qui peut-elle alors appeler, sa mère ? Eh non, car elle aussi est dans le même état.

On pourrait remonter comme ça le fil de l'Histoire, pas seulement pour moi, mais pour tant de familles, tant de générations de femmes et de mères qu’on a ignoré, à qui on a dit d’aller bien ou à qui on n’a même rien dit puisque la parole était tue.

 

 

Ce n’est pas facile d’admettre qu’on va mal, alors qu’on a besoin d’aide, n’en parlons même pas.

Ce n’est pas plus facile pour moi que pour les autres, pourtant j’ai envie de le dire ici, de me confier davantage et d’oser affirmer que je ne vais pas bien, que j’ai besoin d’aide et que je l’ai sollicitée.

 

Je pourrais très bien le garder pour moi, car après tout, tout ceci part d’un burn out professionnel qui se résoudra sûrement en quittant mon travail et en en trouvant un autre.

Je pourrais partir de ce postulat là, c’est d’ailleurs ce que j’ai fait pendant des semaines. Mais après avoir longuement fait l’autruche, j’ai enfin sorti la tête du sable pour oser voir la vérité en face.

Elle est douloureuse et violente, et je comprends pourquoi je n’avais aucune envie de l’affronter. Mais si je veux aller mieux, si je veux VRAIMENT aller mieux il faut que je remonte aux sources. Il faut que j’accepte que tout ceci a pris racine en moi il y a longtemps, que j’ai mis le couvercle sur mes émotions durant trop de temps et que la maternité a joué un grand rôle là-dedans !

 

 

Il convient de détailler mes propos, je ne parle pas ici de regret maternel, ce qui existe par ailleurs et qui fait beaucoup de dégâts chez ces mères qu’on ignore ou mal juge encore trop.

 

Moi je parle du chamboulement identitaire qu’est la matrescence, de tout ce quotidien qui ne t’appartient plus et de cette personne que tu regarde dans le miroir mais que tu ne reconnais plus, voire que tu ignore pendant des mois tant ta priorité absolue c’est ton bébé.

Je parle aussi de tous les à côtés, du contexte dans lequel on devient mère, de son environnement proche, aussi bien matériel qu’affectif. Je parle de toutes ces réflexions/injonctions qu’on se prend en pleine face alors qu’on est en pleine chute d’hormone.

Je parle de tout le background qu’on porte en nous avant même de donner la vie, qui conditionne, qu’on le veuille ou non, la mère qu’on sera.

Et puis surtout je parle du grand décalage, que dis-je un décalage, ce n’est pas un fossé, c’est un gouffre, un abysse qui existe entre la représentation qu’on a et que chacune se fait de la mère idéale, et celle qu’on est réellement une fois le bébé dans nos bras.

 

Je crois que ça a été ça le plus dur à vivre pour moi. Ce n’est pas le fait de perdre ma vie d’avant, ou d’avoir une responsabilité d’un poids incommensurable sur les épaules qui te tombe dessus en te fracassant la tête, non c’est bien l’image que je me faisais de moi maman et cette réalité complètement à l’opposé qui m’a fait vriller, ça et mon contexte personnel.

 

 

On ne le dira jamais assez, mais il faut un village pour élever un enfant ! Et une femme qui vient d’accoucher est un état de choc, son corps est en état de choc et doit se remettre. Seul le temps permet ça, pas des pilules magiques ou des phrases toutes faites ou même des cadeaux pour le nouveau né 👶 !

 

Qui salue la nouvelle mère ? Qui se préoccupe de cette personne au fond de la pièce en PLS sur son lit de maternité tentant de faire bonne figure alors qu’elle hurle de douleurs intérieurement ? Qui pense à la femme qui vient de se faire littéralement traverser par un 40 tonnes, et à qui on demande de préparer le café et les petits gâteaux pour les visiteurs curieux de voir la nouvelle merveille du monde ?

Très clairement pas notre société.

 

 

Si je vais mal aujourd’hui je sais que c’est aussi à cause de tout ça. Je sais que j’ai mal géré mon post-partum, que j’aurais du faire autrement, que j’aurais du plus me faire confiance et ne pas laisser le monde extérieur me polluer. Mais je suis humaine et j’ai fait ce qu’on m’a enseigné depuis que je suis toute petite : soit sage, ne fait pas de bruit et soit forte.

Déboulant dans un monde inconnu je me suis raccrochée à ce que je connaissais, la petite fille qui est en moi s’est mise en position foetale et a tout encaissé comme elle savait si bien le faire avant.

 

Si j’ai bien un conseil à donner à tous ceux qui me lisent et qui vont voir une jeune maman, c’est valorisez là !

Dites lui à quel point elle est magnifique, que c’est une guerrière ; que ce qu’elle vient d’accomplir mérite le respect éternel et que vous êtes là pour la servir et non l’inverse.

Aidez la en lui proposant de faire la vaisselle, de garder le bébé le temps qu’elle aille se laver ou faire quelques pas dehors. Mais surtout n’attendez pas d’elle qu’en plus d’avoir pris 20 kg pendant 9 mois, d’avoir des douleurs dans tout son être, d’avoir vécu un accouchement de peut-être 48 heures (ce qui équivaut à plusieurs marathons 😰), d’avoir le vagin explosé, et de devoir veiller sur un tout petit être humain sans défense, elle soit en plus en capacité de faire le ménage, le repassage, le rangement, la cuisine et la conversation ! True story 🤦‍♀️.

Il faut que ça cesse !!! On détruit les femmes en faisant ça, surtout en leur reprochant de mal le faire ou de ne pas assez sourire en le faisant. Que ce soit 3 heures après, 15 jours après ou 3 mois après, une femme en post-partum est vulnérable, tellement plus que lors de sa grossesse, pourtant tout le monde s’en fiche. Une fois le bébé sorti elle ne compte plus, elle n’existe plus, et cette image de soi joue tellement sur notre santé mentale.

Cette perte d’estime de soi est lié à l’image que nous renvoie la société à ce moment là. Comment avoir une bonne estime de soi si tout est fait pour nier notre vécu, notre ressenti et notre vie presque ?

 

 

Je ne parle pas de mon cas pour faire pleurer dans les chaumières, mais pour alerter, pour rendre utile ce que je vis, parce que je me rends compte en observant le monde qui m’entoure, et j’entends par là les mères que je côtoie de près ou de loin, qu’on est nombreuses, trop nombreuses à vivre ça.

Où que mon regard se porte je vois de la peine et de la douleur. Vous me direz ça fait partie de la vie, on ne peut pas être heureux tout le temps. Certes, mais là c’est autre chose, c’est comme si le fait d’aller mal, m’avait fait ouvrir les yeux. Je vois ce que je ne voyais pas avant, pourtant je me pensais avertie et attentionnée.

Je constate que trop de mères souffrent en silence, soit par manque de temps, soit par manque d’écoute, soit par manque de tout le reste. Et ce n’est plus acceptable !

 

Peut-être aussi que le fait de dire que je suis en burn out, que je ne vais pas bien et que je me fais aider, permet aux autres femmes de libérer leur parole sur ce qu’elles vivent et ressentent. En tout cas c’est mon seul souhait, aider les femmes.